mardi 30 juin 2015

Soleil en instance

Soleil en instance est le premier roman traduit en français du syrien Hanna Mina. La traduction a été réalisée par l'excellent Abdellatif Laâbi.

Présentation de l'auteur par Wikipédia
"Hanna Mineh, ou Hanna Mina (arabe حنا مينة), est un romancier syrien, né à Lattaquié en 16 avril 1924. Il a participé à la fondation de l'Association des écrivains syriens et l'Union des écrivains arabes. Il est considéré comme l'un des meilleurs romanciers arabes. Ses romans se caractérisent par le Réalisme."

Soleil en instance a été traduit et édité par Unesco / Silex Editions en 1986. Ce roman n'est pas facile à trouver de nos jours et j'ai eu la chance de rencontrer un ami qui l'avait et qui me l'a fait découvrir.

Soleil en instance, c'est l'histoire d'un jeune syrien dans les années 40 alors que la Syrie est sous mandat français. Le jeune homme est issu d'une famille aisée dont la fille doit épouser le "chef de cabinet". Autant vous dire que le père est aux anges. Mais lui, non. Il ne l'aime pas, il n'aime pas son arrogance et sa façon, comme tous les autres 'bourgeois', de martyriser les fellah.

Assez vite on comprend qu'il y a une fracture qui s'agrandit de plus en plus entre le père et le fils. Tout démarre avec des cours de musique que le jeune homme fuit pour retrouver le tailleur, un homme des bas quartiers, qui ne lui apprendra pas la musique, en insistant bien sur le fait qu'il est vraiment mauvais, mais qui lui apprendra la danse du poignard. Une danse peu appréciée de la haute société mais adorée par le peuple qui jubile devant l'une des prestations du jeune homme. Il faut dire que celui-ci vit pleinement cette danse, jusqu'à avoir une hallucination pendant celle-ci.

Le roman prend des allures de lutte des classes entre le père qui est attaché à la colonisation française et le fils qui souhaite croquer sa vie à pleine dent en fréquentant des personnes d'un autre rang social. Il rêve de liberté et d'amour, ce que son père ne conçoit pas.
La dualité entre le père et le fils sert principalement d'exemple pour montrer la pression incessante qui règne dans les rues syriennes. On sent que la Syrie n'est pas loin d'exploser et de réclamer son indépendance.

Le style utilisé est fabuleux, il donne l'impression de suivre une longue chanson empreinte de poésie. Hanna Mina nous transporte avec grâce dans sa Syrie des années 40 en mêlant douceur et dureté. Et en prime il nous offre un final extrêmement fort ...

samedi 27 juin 2015

Le voile des apparences

Le voile des apparences est un thriller fantastique de Natacha Calestrémé paru aux éditions Albin Michel ce mois-ci.

Présentation de l'éditeur :
Après une série d’événements tragiques, Yoann Clivel, flic brillant de la police judiciaire, se rend dans un hôpital psychiatrique. Il y fait la connaissance d’un jeune homme atteint d’autisme qui communique avec les morts. L’un de ses « fantômes » est une femme qui prétend avoir été assassinée. Supercherie ? Délire d’un malade mental ? Ou piste à prendre au sérieux ?
Happé par les méandres de cette affaire, Clivel se retrouve face à une autre énigme : l’assassinat de son propre père lorsqu’il était enfant…
À la frontière du paranormal et du thriller, Le voile des apparences confirme l’univers singulier et très documenté de l’auteur du Testament des abeilles.

Ce type de roman policier change un peu de ce que j'ai l'habitude de lire. Le voile des apparences fait un peu plus que flirter, à mon goût, avec le fantastique mais cela reste aux croyances de chacun sur la mort et ce qu'il s'y passe ensuite. Outre cet aspect fantastique présent, le roman vous entraîne bel et bien dans une nouvelle intrigue policière des plus excitantes.

Le personnage de Yoann Clivel est excellent. Il est vraiment attachant et on le suit avec plaisir dans cette enquête hors du commun. En effet, Yoann s'est trouvé un peu par hasard sur une nouvelle affaire qui a tout du crime parfait. Mais c'est sans compter sur les écrits de la défunte qui se sert d'un autiste pour mettre sur papier des bribes parfois incohérentes de sa vie passée et quelques indices dans le but de résoudre son assassinat.

Dans sa vie personnelle, tout ne va pas pour le mieux pour Yoann. Pour sauver son couple et se sauver lui-même, il doit affronter les démons de son passé et trouver le courage de découvrir la vérité quant au meurtre de son père alors qu'il n'avait qu'une dizaine d'années au moment des faits. Enquête qui s'avère difficile, notamment sur le plan des émotions puisqu'il lui faut fouiller le passé de son père. Un passé peu glorieux, vous l'aurez compris ...

Le voile des apparences se lit plutôt bien. Sa force se situe dans son intrigue solide et son personnage principal aux allures de justicier. Le côté paranormal peut en dérouter plus d'un mais l'auteur tente tant bien que mal de semer le doute dans l'esprit de son lecteur.
L'auteur en profite également pour dénoncer certaines prises en charge surmédicalisées des personnes atteintes d'autisme et à quel point ce trouble peut être sous-considéré. Une belle introduction qui permet, à qui le souhaite, de s'intéresser au sujet.

lundi 22 juin 2015

Présages

Présages est le dernier roman traduit en date de l'excellent auteur islandais Stefan Mani.

Présentation de l'éditeur :
Après avoir survécu à un naufrage où Pétur, le capitaine du bateau, a péri, le jeune Hrafn échappe, presque par miracle, à l'avalanche qui dévaste Súdavík, son village des fjords de l'Ouest, et décime l'ensemble de sa famille. Désormais seul au monde, il s'engage dans une relation complexe et tumultueuse avec María, la fille déjantée du défunt captaine. Immature et influençable, María le quitte bientôt pour Símon, un dealer notoire ultra-violent dont Hrafn est certain qu'il la terrifie afin de la maintenir sous son emprise. Quelques années plus tard, Hrafn vit avec une autre femme. Devenu policier, il cultive toujours sa vieille obsession de coincer Símon pour arracher María à ses griffes...

Après le très sombre Noir Océan et le violent Noir Karma, Série Noire nous offre la traduction d'un autre de ses romans ; Présages. Sans surprise, l'intrigue se déroule en Islande, pays réputé froid pour son climat mais également pour certains de ses habitants au caractère froid et l'auteur le confirme en citant à plusieurs reprises le terme Anaesthesia.
Pour certains, Hrafn est un jeune homme qui a été touché par la main de Dieu puisqu'il a échappé à plusieurs reprises à la mort. Lui se considère comme malchanceux puisqu'il a perdu au fur et à mesure tous ceux qu'il aimait. La première de ses pertes est le capitaine du navire sur lequel il travaillait avec son père. Ce décès accidentel aurait pu être évité par Hrafn. Depuis, ce nouvel anti-héros accumule les déceptions, les embrouilles et semble avoir été touché par la malchance, comme si la mort stagnait autour de lui sans jamais vouloir le toucher lui.

Hrafn est amoureux de Maria, la fille du capitaine décédé. Mais Maria ne se remettra jamais de la mort de son père et sombre dans une lente dépression qui la mènera dans les bras de Simon, un dealer qui ne cesse de monter en puissance. Puis Hrafn devient flic dans la capitale et s'éprend d'une autre femme. Mais jamais il n'oubliera Maria car il se sent responsable de son état. Alors lorsqu'une enquête le traîne sur les traces de Simon, Hrafn va se donner corps et âme pour l'arrêter ... et surtout pour sauver Maria.

L'amour que porte Hrafn à Maria est très ambiguë. Est-ce un véritable amour ou plutôt une sorte d'amour de protection comme peut avoir un grand frère pour sa petite sœur ? Dans tous les cas, Hrafn est comme obsédé par le fait de protéger Maria mais le destin paraît toujours plus fort.
Avec sa fin absolument sublime et logique, Présages résonne comme une tragédie shakespearienne, une sorte de mélange de Macbeth et de Roméo et Juliette. Stefan Mani continue de surprendre pour notre plus grand bonheur, vivement la traduction de ses autres romans !

dimanche 7 juin 2015

Le Designer

Le Designer est un thriller de Sylvie Bardet paru au format numérique au mois de Mai 2015.

Présentation :

Un tueur en série, surnommé Le Designer, emballe depuis 20 ans ses scènes de crime dans du papier kraft blanc. 
Il reste introuvable à ce jour. 
Henry, profileur discret marqué par un passé difficile, se débat entre cette affaire et son attirance irraisonnée et dangereuse pour la femme de son ami d’enfance. 
Jusqu’au jour où tout va basculer… 

Le Designer est un thriller psychologique haletant qui va plonger Henry, le personnage principal, dans un enfer sans issue. 
Il devra lutter contre sa nature et ses sentiments pour arriver à sortir vivant du piège terrible dans lequel il vient de tomber.


Second roman de Sylvie Bardet, Le Designer est un thriller d'un peu plus de 150 pages écrit à la première personne qui vous place dans la peau de l'enquêteur et victime à la fois du tueur en série méticuleux appelé Le Designer. L'auteur nous entraîne donc sur les pas de ce tueur en série qui s'amuse avec son narrateur et l'attire sur les traces de son passé. Henry va alors devoir se confronter aux vieilles histoires de Saint Dix, la ville de son enfance qui n'a pas connu que de beaux jours. Surtout pour Henry.

Bien que l'on en apprenne pas mal sur sa façon d'agir, il est dommage de ne pas suivre parfois le Designer lors de ses meurtres, de ressentir la peur que peut ressentir une de ses proies. Il a pourtant le potentiel pour être tout à fait effrayant mais ce potentiel n'est, à mon goût, pas assez exploité pour en faire un grand méchant.
Le Designer se lit très bien et le personnage d'Henry est bien travaillé. Aussi, la façon dont sont tournées les phrases m'a lancé dès le début sur une fausse piste prévoyant une toute autre fin. Je ne sais pas si c'est voulu mais j'ai trouvé ça plutôt efficace. Je n'en dirai pas plus et vous laisse plutôt le découvrir.