dimanche 31 mai 2015

Le mondologue

Le Mondologue est le nouveau roman d'Heinrich Steinfest paru aux éditions Carnets Nord le 21 Mai.

Présentation de l'éditeur :
Sixten Braun a l’allure d’un homme d’affaires à qui tout réussit : sillonnant l’Asie comme commercial, il est fiancé à une jeune femme de la bourgeoisie colonaise qui l’attend sagement au pays. Mais derrière ce complet veston se cache un homme qui rêve de devenir maître nageur plutôt que manager, et qui n’éprouve que de l’indifférence envers cette fiancée bien sous tous rapports. En l’espace de seulement quelques jours, sa vie est bouleversée par deux accidents incroyables dont il réchappe de peu : primo, l’explosion d’une baleine dans une rue de Tainan, qui le fait rencontrer le grand amour, secundo le crash de son avion en mer de Chine, qui le renvoie illico vers sa mère patrie et un mariage sans amour. Mais parfois, le destin n’a pas dit son dernier mot et voici qu’il apparaît de nouveau dans la vie de Sixten, quelques dix ans plus tard, sous la forme du jeune Simon, son fils présumé avec la femme de Taïwan. Un garçon de 8 ans hors du commun qui grimpe comme un chamois, dessine comme de Vinci, ne parle qu’une langue inconnue de tous…

L'auteur des très décalés, et néanmoins très bons, romans Le Onzième Pion, Requins d'eau douce ou encore Le poil de la bête nous revient avec une nouvelle pépite cultissime. Et comme dans ses précédents romans, il crée des personnages terriblement attachants avec toujours cette particularité de dialoguer avec des mots bien choisis qui allie humour et intelligence. On reconnait même dans tous les personnages de l'ensemble de ses œuvres une certaine façon d'interagir et de penser qui ne ressemble à rien de ce que j'ai pu lire auparavant.

Dans Le Mondologue, le personnage qui nous raconte son histoire peu ordinaire s'appelle Sixten Braun. Un nom étrange pour un personnage au destin abracadabrant. Après avoir été victime d'une explosion de baleine en pleine rue de Tainan, il réchappe de justesse au crash d'un avion ... Puis, après avoir recueilli un jeune garçon de 8 ans qui ne semble pas être son enfant, il se lance sur les traces de sa sœur décédée quelques années plus tôt alors qu'elle escaladait une montagne.

Entre Sixten et Simon, son fils, un lien fort s'installe. Alors qu'ils n'arrivent pas à communiquer à cause de la barrière de la langue, et il faut dire que la langue de Simon semble totalement inventée, c'est cette affection naissante et grandissante qui va leur permettre de se comprendre et d'avancer. Simon est un garçon assez étrange et très intriguant. Il semble parfois être animé par une force inconnue qui les guide, lui et son nouveau père, toujours vers le bon chemin. Et en plus de cela il dessine comme un maître et sait grimper comme personne. Ce qui rappelle forcément à Sixten sa sœur perdue.

Ce n'est pas l'un qui vient remplacer l'autre. Mais l'un qui s'ajoute à l'autre. Le monde s'accroît. Et il en devient forcément plus compliqué.

Comme l'explique l'auteur, le mot mondologue est un néologisme pour remplacer l'expression "savant universel". Le mondologue est une personne qui s'intéresse à tout. Comme l'annonce le vieux personnage au nom improbable de Mercedes, Simon en serait un. Ce qui pourrait expliquer son comportement, ses réactions, son goût pour le dessin qui offre une vision totalement différente de ce que l’œil perçoit. On est même en droit de croire que son langage est totalement inventé et se base sur une multitude d'autres langages aux multiples racines linguistiques. Ce qui m'a un peu fait penser au film L'homme sans âge de Francis Ford Coppola. D'ailleurs Heinrich Steinfest s'imprègne énormément du monde du cinéma pour mettre en mouvement son roman et il l'utilise d'une manière très originale.

La dernière partie du roman nous embarque vers quelque chose de moins terre à terre et de bien plus fantastique. Après lui avoir ouvert les yeux sur la peinture abstraite, Simon guide son père pour qu'il ouvre son cœur et sa pensée afin de lui laisser percevoir, dans ses rêves, un monde où l'on peut communiquer différemment. Il s'en suit une quête ésotérique mi-rêve mi-réelle pendant laquelle Sixten se repentit de ses péchés et trouve certaines réponses aux questions enfouies au plus profond de son être.

Le roman est magnifique et mérite d'être lu une seconde fois afin de saisir l'ensemble des symboles que l'auteur sème au fil des pages. Heinrich Steinfest signe là son roman le plus abouti à mon goût et confirme qu'il est un grand écrivain.

dimanche 17 mai 2015

L'homme gris

L'homme gris est un roman noir de Fabrice David publié le 31 Mars aux éditions Black-out.

Présentation de l'éditeur :
"Les serrariens représentaient 99% des habitants de cette ville morte. Un amas d’êtres médiocres "qui ne sert à rien".
Il avait du mal à se convaincre lui-même de ne plus mériter cette étiquette qui lui avait collé à la peau avec tant de justesse. Comme ceux dont la vie passait sans que personne ne les remarque. Une existence entière à coûter à la société, sans rien lui apporter. Bouffer, chier, consommer, jeter. Mais en brisant la carrière d’une femme qu’il haïssait, responsable de la mort de son jeune frère, et toujours impunie près de trente ans après, il venait de passer dans l’autre camp. Celui des hommes qui laissaient une trace. Celui des hommes dont la vie avait un but."

C'est entre deux coups de pinceaux ou encore deux coups de tondeuse que j'ai avancé dans le roman. En pleine période de déménagement et de travaux, j'ai dû me contenter de rares moments ces derniers jours me permettant de me poser et de lire ce délicieux roman noir. Heureusement pour moi le roman est très bon.

L'homme gris est un homme comme on en voit partout, ou plutôt il est ce genre d'homme insignifiant que tout le monde snobe. Il est l'un d'entre nous, il est même parfois un peu nous. Il se terre soit chez sa mère, soit à la mairie où il travaille comme fonctionnaire. Il est aigri et se fait discret.
Mais l'homme gris, qui se nomme Heck, ne veut plus être un raté. Il veut enfin faire la fierté de sa mère et venger son frère décédé lorsqu'il était jeune. D'ailleurs l'auteur n'insiste pas sur ce passage, il nous laisse la liberté de nous imaginer l'enfer qu'à dû vivre Heck dans sa famille et comprendre comment et pourquoi il est devenu cet homme si assombri.

Heck est un débutant dans l'art de tuer mais il est malin. Cette part de sa personnalité m'a rappelé avec beaucoup de joie le fabuleux roman de Donald Westlake : Le Couperet. Tout comme Burk Devore, Heck est déterminé mais stressé. Il en devient même touchant. Les autres personnages, eux, ont plus d'assurance et se révèlent être souvent de sacrés ordures.
L'homme gris est un roman sans pitié qui n'épargne aucun de ses personnages et se révèle être une belle critique de notre société. Une très bonne lecture, bien noire !

vendredi 1 mai 2015

Ceux de la plaine

Ceux de la plaine est le premier roman d'Olivier Maison paru le 12 Janvier 2015 aux éditions Kero.

Présentation de l'éditeur :
« Avez-vous remarqué comme les granges sont belles et imposantes par ici ? Ils y mettent ce qu’ils ont de plus beau : leur argent ! Par chez nous, les femmes y déposent leur virginité et les hommes y mettent leur âme, dans les granges. Je vais vous dire : lorsque ces hommes couchent une femme dans un champ, ne croyez pas qu’ils se retirent de peur de les engrosser. Non, c’est une façon d’ensemencer la terre. Leur jouissance, c’est la terre, leurs terres et leurs bêtes, et seulement ça ! Rendre leur femme heureuse… mais c’est le cadet de leurs soucis ! »

Dans la plaine du Vaunard se croisent des personnages hauts en couleur, mais aussi taiseux, semblables à la campagne alentours, dure, contrastée, jalouse de ses secrets et de ses mystères. D’une plume sobre et magnifique, Olivier Maison nous offre un tableau de ce bout de terre, à la fois violent, poétique et crépusculaire.

Ceux de la plaine vous permet de partager quelques tranches de vie de personnages pittoresques, des franchouillards de la plaine du Vaunard qui n'ont pas leur langue dans leur poche et se remplissent constamment le gosier. Olivier Maison crée un véritable univers autour de ses personnages et nous laisse y pénétrer avec beaucoup de facilité.

Nous entrons donc dans un village hors de tout, loin de tout mais tellement proche de nous finalement. On s'y sent bien, on reconnait dans les personnages certains traits de caractères que nous observions étant jeunes sur des personnes âgées ; lors de vacances à la campagne par exemple. D'ailleurs on ne connait pas l'âge des différents personnages, ni l'année à laquelle se déroule l'histoire, comme si l'ensemble de la plaine se situait dans un autre espace-temps. Mais l'auteur nous laisse quelques pistes tout de même qui nous permettent de nous projeter facilement dans le cadre et d'imaginer les traits physiques de ceux qui vivent dans cette plaine perdue.

On ne s'ennuie jamais. Il faut dire que certaines répliques sont hilarantes. Le texte en général est très vivant et le style, travaillé, est succulent à lire. Lu en une journée, je peux vous assurer que Ceux de la plaine est un roman captivant et touchant.