jeudi 31 décembre 2009

Ne le dis à personne


En cette fin d'année 2009, j'ai décidé de rattraper mon retard concernant Harlan Coben en chroniquant son très célèbre roman Ne le dis à personne, adapté au cinéma par Guillaume Canet en 2006. Étant mon dernier livre lu de l'année, il se devait d'être excellent pour contribuer à la joie provoquée par les fêtes de fin d'année. Pari réussi ? Dans l'ensemble oui malgré quelques légers points négatifs récurrents chez l'auteur.

Présentation de l'éditeur :
Imaginez...
Votre femme a été tuée par un serial killer.
Huit ans plus tard, vous recevez un e-mail anonyme.
Vous cliquez : une image...
C'est son visage, au milieu d'une foule, filmé en temps réel. Impossible, pensez-vous ?
Et si vous lisiez Ne le dis à personne... ?


Comme à son habitude, Harlan Coben sait captiver son lecteur avec une trame principale à la limite de l'impossible ou du grotesque sans jamais y tomber. Une nouvelle fois le personnage principal se retrouve mêlé à une affaire qui le dépasse complètement, tout ça dans l'espoir de retrouver la femme qu'il aime et qu'il avait perdue huit ans plus tôt. Ce que je reproche principalement à Harlan Coben c'est de construire ses récits policiers autour d'un conte merveilleux où les gens s'aiment à la vie à la mort et où le bien finit toujours par vaincre le mal. Tous les personnages ne sont pas blancs ou noirs au niveau de la justice mais ils tendent tous vers l'un de ces deux choix, quitte à justifier leurs erreurs passées pour les crédibiliser dans leur rôle d'héros. Je n'aime pas cette obsession dans ses romans de toujours prendre un homme honnête qui veut le rester jusqu'au bout (je pense notamment à Myron Bolitar) quitte à sacrifier une part de sa vie. Avec ses personnages parfois trop sympathiques, l'auteur nous éloigne bien souvent de la réalité et pénalise son suspense qu'il semble pourtant pouvoir maîtriser comme personne.

Qu'on n'aille pas me montrer le paradis pour ensuite le réduire en cendres.

Mis à part ce problème de personnage, Coben nous projette dans une véritable course contre la montre. Il ne laisse aucun répit à son personnage et lui fait vivre de nombreuses épreuves où il devra user d'astuces pour s'en sortir. L'action, le suspense et la trame m'ont fait rapprocher ce roman à un autre de l'auteur : Juste un regard dans lequel on retrouve d'ailleurs un personnage de Ne le dis à personne : Eric Wu, l'adepte des arts martiaux.

La bête de la mythologie, [...]. On ne lui coupe pas la tête. On la poignarde en plein cœur.

Ne le dis à personne est un thriller au rythme haletant et au suspense insoutenable mais ses personnages manquent de profondeur et d'originalité. Aussi, les retournements de situation s'enchaînent sans se contredire et nous empêchent à tout moment de relâcher l'ouvrage de nos mains jusqu'à la surprenante conclusion. Dur de ne pas se louper pour un tel final, Harlan Coben le réussit sans fausse note ! Encore un très bon moment passé avec le maître de nos nuits blanches !

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mardi 22 décembre 2009

Pierre qui roule


Pierre qui roule (1970) est un roman de Donald Westlake, l'auteur du très efficace Le couperet.

Présentation de l'éditeur :
A peine sorti de prison, Dortmunder retrouve son vieil ami Andy Kelp qui lui propose un coup fumant : subtiliser, au beau milieu d'une exposition, une émeraude de grand prix appartenant à un petit état africain.
Facile ! Il suffit de réunir une bonne équipe et de concocter un plan à toute épreuve. Aussitôt dit, (presque) aussitôt fait. Mais en dépit d'une implacable préparation, les choses ont comme une fâcheuse tendance à dévier de leur cours.
Il faut dire que l'un des complices de Dortmunder a la brillante idée d'avaler la pierre pour échapper à la police, alors forcément cela complique un peu la tâche...


Comme l'indique la quatrième de couverture, le roman met en scène pour la première fois l'un des plus grands cambrioleurs de la littérature contemporaine : Dortmunder. Lui et ses acolytes, des professionnels du cambriolage, doivent s'emparer d'une pierre précieuse d'une valeur inestimable aux yeux des citoyens d'un tout petit pays d'Afrique représenté par le major Iko aux USA. C'est ce dernier qui contacte Kelp pour monter une opération chapardage puisque la fameuse pierre est exposée dans un musée américain. Dortmunder rejoint Kelp et ensemble ils vont constituer l'équipe parfaite pour réaliser le coup. On assiste alors à plusieurs séquences façon Ocean's Eleven dans lesquelles chacun des futurs associés est contacté et présenté dans son univers personnel. Ces scènes sont hilarantes et annoncent un récit prometteur. Et en effet, une succession de malchances va s'abattre sur l'équipe de choc pour nous offrir un très grand moment de bonheur où l'humour et le polar se marient à merveille.

- J'avais entendu parler des criminels récidivistes [...] mais c'est peut-être le premier et unique cas de crime récidivant.

Dortmunder est un personnage hors du commun, un véritable génie du cambriolage mais également un éternel malchanceux qui collectionne les mésaventures. Le sort semble s'acharner sur la bande des cinq as du hold-up et nous offre de nombreux moments de totale hilarité. On peut voir apparaître dans le roman une sorte d'évolution sur plusieurs niveaux ; la difficulté des opérations, les moyens utilisés, Iko qui ne connaît pas le billard et qui en deviendra presque un pro, la relation entre les personnages ... L'auteur semble vouloir donner une intensité de plus en plus forte à son récit, certaines scènes paraissent même être à la limite du réalisable et l'humour est à la limite du burlesque. Ce roman est une vraie perle. Un grand moment de joie, de rire. Il se lit vite, les courts chapitres lui donnent un rythme effréné. Il est très difficile de se détacher de l'ouvrage. Une bien belle découverte ! A lire, peu de chance d'être déçu !

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mercredi 16 décembre 2009

Un pays à l'aube


Un pays à l'aube est un roman de Dennis Lehane, le talentueux auteur de romans policiers tels que : Shutter Island, Mystic River ou encore Gone, Baby, Gone. Ce roman est en lice pour le prix des Limbes Pourpres 2009.

Présentation de l'éditeur :
L'Amérique se remet difficilement des soubresauts de la Première Guerre mondiale. De retour d'Europe, les soldats entendent retrouver leurs emplois souvent occupés par des Noirs en leur absence. L'économie est ébranlée, le pays s'est endetté et l'inflation fait des ravages. La vie devient de plus en plus difficile pour les classes pauvres, en particulier dans les villes. C'est sur ce terreau que fleurissent les luttes syndicales, que prospèrent les groupes anarchistes et bolcheviques, et aussi les premiers mouvements de défense de la cause noire.
En 1918, Luther Laurence, jeune ouvrier noir de l'Ohio, est amené par un étonnant concours de circonstances à disputer une partie de base-ball face à Babe Ruth, étoile montante de ce sport. Une expérience amère qu'il n'oubliera jamais.
Au même moment, l'agent Danny Coughlin, issu d'une famille irlandaise et fils aîné d'un légendaire capitaine de la police de Boston, pratique la boxe avec talent. Il est également chargé d'une mission spéciale par son parrain, le retors lieutenant McKenna, qui l'infiltre dans les milieux syndicaux et anarchistes pour repérer les "fauteurs de troubles" puis les expulser du territoire américain.
A priori Luther et Danny n'ont rien en commun. Le destin va pourtant les réunir à Boston en 1919, l'année de tous les dangers. Tandis que Luther fuit son passé, Danny cherche désespérément le sens de sa vie présente, en rupture avec le clan familial. Dans une ville marquée par une série de traumatismes, une ville où gronde la révolte, la grève des forces de police va mettre le feu aux poudres...


Avec ce nouveau roman, Dennis Lehane projette son lecteur dans une Amérique d'après guerre (1914-1918) en pleine reconstruction économique et sociale. Le contexte politique y est particulièrement tendu. Les Etats-Unis baignent en plein capitalisme et le racisme est toujours d'actualité. La peur du communisme s'accroît et on assiste à une sorte de pré maccarthisme ou de pré chasse aux sorcières ("- Ils vont tous partir [...] jusqu'au dernier de ces pouilleux."). Mais le problème c'est que tout homme s'opposant à la classe dirigeante ou toute personne décidant de se syndiquer, voire même de faire grève, est considérée comme un bolchévique et doit en subir les conséquences. L'auteur décrit une Amérique restrictive plongée dans la peur et la paranoïa. Une Amérique en proie à la terreur, aux manipulations et aux pires vermines. Une Amérique tendue, prête à imploser à tout moment ("Ils étaient terrifiés. A cran. Et armés."). Mais il dresse aussi le portrait d'une nation remplie d'espoir et d'humanité. Avec ce pavé de 760 pages, Dennis Lehane nous livre une véritable fresque historique majestueuse par sa clarté, sa justesse, sa noirceur et sa capacité à nous tenir en haleine tout au long du récit. Il signe là un roman terrifiant traitant de thèmes malheureusement toujours d'actualité et qui soulèvent de multiples questions et débats tels que : faut-il passer par le chaos pour changer les choses ? Quels choix avons-nous face aux monstres puissants toujours plus avides d'argent et de pouvoir ?

- T'as jamais remarqué que quand ils ont besoin de nous ils parlent de "devoir", mais que quand on a besoin d'eux ils parlent de "budget" ?

En choisissant de raconter l'histoire de la ville de Boston au début du vingtième siècle, l'auteur s'intéresse à tous les sujets difficiles de l'époque au travers des yeux de trois personnages principaux tous différents mais dont la destinée va les rassembler. Danny est un policier et représente une sorte de héros pour son temps ("Combien de vies tu penses avoir, mon garçon ?"). Sympathique, courageux et honnête, il n'hésite pas à prendre la défense de n'importe quel homme quelque soit sa couleur de peau ou ses convictions politiques. Il est continuellement rongé par le doute et les remords, ce qui en fait malgré tout un homme sensible et parfois fragile. N'y aurait-il pas une part de vérité dans ce discours bolchévique ? Cette part de vérité, il va l'apprendre à ses dépens en étant lui-même un employé soumis aux pressions et aux faibles compensations de l'état. Luther Laurence est un homme noir victime de l'écrasante puissance raciste qui domine le pays. Il se retrouve embarqué malgré lui dans des combines désastreuses grâce auxquelles il rencontrera Danny et Babe Ruth, le plus grand joueur de base-ball de l'époque. Lehane en profite d'ailleurs pour nous conter une fabuleuse partie de base-ball rendue vivante par son écriture à la fois fluide et riche. De même, l'auteur décrit une épidémie foudroyante et raconte la mort avec justesse et simplicité. Deux passages qui m'ont particulièrement marqués.

- A ton avis, on est là pour maintenir la paix ou pour y mettre un terme ?


Lehane réalise un prodigieux et remarquable travail d'écriture dans lequel il mélange espoir et désespoir. Il dépeint une Amérique fragile et révoltée dont tous les maux semblent être causés par la guerre : "Car c'était la guerre qui avait empoisonné tant de jeunes gens en leur mettant en tête des idées d'autodétermination". L'auteur prouve une nouvelle fois qu'il est un écrivain talentueux en associant une intrigue policière à un roman riche en éléments historiques. Un brillant roman !

C'est ceux qui signent les chèques qui fixent les règles.



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