samedi 26 mars 2011

Un pied au paradis

Un pied au paradis est le premier roman de Ron Rash. Il est sélectionné pour le prix des lecteurs du Livre de Poche 2011.

Présentation de l'éditeur :
Oconee, comté rural des Appalaches du Sud, début des années 1950. Une ancienne terre cherokee, en passe d'être à jamais enlevée à ses habitants : la compagnie d'électricité Carolina Power rachète peu à peu tous les terrains de la vallée afin de construire une retenue d'eau, immense lac qui va recouvrir fermes et champs. Holland Winchester est mort, sa mère en est sûre, qui ne l'a pas vu revenir à midi, mais a entendu le coup de feu chez le voisin. Ce drame de la jalousie et de la vengeance, noir et intense, prend la forme d'un récit à cinq voix : le shérif Alexander, le voisin, sa femme, leur fils et l'adjoint. Devant un texte aussi puissant que singulier, on pense à Larry Brown et Cormac McCarthy, voire Giono. Pas moins.

Cinq personnages, cinq voix, pour nous raconter l'étrange histoire apparue à Oconee dans les années 1950. Chacun leur tour, les personnages vont s'offrir à nous, nous confier leurs peurs, leurs chagrins et leurs espoirs. Chacun leur tour ils vont raconter leurs faits et gestes à l'époque du drame. Le drame qui a fait d'Holland Winchester un lointain souvenir que seule sa mère semble pleurer.
Résolue de connaître l'identité de l'assassin, celle-ci met immédiatement le shérif sur la piste de son voisin. Fantasme, vengeance ou méprise ? Seule la narration à cinq voix, cet ensemble de témoignages personnels, peut nous dévoiler la vérité.
Mais la principale victime dans l'histoire, n'est-ce pas ce monde rural qui semble voué à disparaître ?

Un pied au paradis est incontestablement un roman noir dont la principale force se révèle être le style de la narration. Cinq voix différentes, cinq styles différents. Certains langages sont parfois même un peu lourds à lire par moment. Mais outre cet aspect négatif, on peut saluer l'effort de l'auteur qui s'est appliqué pour nous fournir un roman de qualité.
Le scénario peut paraître plutôt simple, voire même déjà vu, mais l'intérêt principal réside dans les personnages eux-mêmes, la force qu'ils dégagent. Et notamment le fameux voisin, Billy Holcombe, qu'il est difficile de détester tant sa volonté est grande et son histoire touchante.
Sous ses allures de petite histoire criminelle, Un pied au paradis est une œuvre originale et agréable à lire !

samedi 19 mars 2011

44 jours

44 jours est un roman mi noir mi biopic de l'excellent écrivain anglais David Peace. A savoir que ce roman a été porté à l'écran par Tom Hooper en 2009.

Présentation de l'éditeur :
Le lendemain de Noël 1962, Brian Clough, buteur surdoué de l’équipe de Sunderland, se blesse. Ce sera la fin d’une carrière qui s’annonçait exceptionnelle.
Avide de revanche, il se reconvertit comme manager. Aidé de son inséparable ami Peter Taylor, il va conduire l’équipe de Derby à la victoire en championnat d’Angleterre.
Deux ans plus tard, Clough prend la direction de Leeds United, l’un des plus grands clubs européens. Fidèle à son style, il commence par jeter un pavé dans la mare : Leeds ne doit ses victoires qu’à la tricherie et aux manœuvres de son prédécesseur. Désormais, l’honnêteté et le beau jeu règneront sans partage. Mais c’est sans compter avec l’hostilité de l’équipe et des dirigeants : ce qui s’annonçait comme le couronnement de la carrière de Brian Clough vire au cauchemar...
Qu’on aime le foot ou pas, on lit d’une traite cette saga palpitante, riche en rebondissements, qui retrace l’ascension et la chute d'un homme hors du commun, tourmenté, complexe, parfois odieux, toujours sincère et attachant. Plus brillant et inspiré que jamais, David Peace nous convie à la rencontre explosive de l’épopée, de la tragédie et du mélo, à travers l’une des icônes les plus flamboyantes du football anglais, qui se révèle un formidable personnage romanesque.

44 jours a connu un immense succès en Grande-Bretagne.
Le réalisateur Tom Hooper en a tiré un film sortit fin novembre sur les écrans français. Écrit par Peter Morgan (le scénariste de The Queen), The Damned United est interprété par un quatuor d’acteurs remarquables : Michael Sheen dans le rôle principal et, à ses côtés, Timothy Spall (Secrets et mensonges), Jim Broadbent et Colm Meaney.

J'écris en tant que passionné de sport mais, contrairement à la majorité des français, le football ne m'intéresse que très peu. Alors pour me décider à commencer à lire 44 jours, il m'a fallu fixer le nom de l'auteur. David Peace est l'élément déclencheur de cette lecture. L'écrivain de 1974 m'avait déjà offert une première et violente baffe en son nom il y a quelques mois. Et là, lorsque les premières pages glissent entre mes doigts, je m'aperçois que David Peace est un auteur de génie. Un talentueux conteur hors pair qui a réussi à me transformer en hooligan littéraire prêt à frapper pour ne pas me décrocher du roman.
Cette biographie façon dramatique du célèbre joueur et entraîneur anglais Brian Clough contient deux discours à deux époques différentes qui s'entrechoquent et se comparent sans cesse. Totalement paranoïaque et persécuté par l'image de Don Revie, l'ex entraîneur de Derby, Brian Clough va devoir s'affirmer et se confronter aux joueurs et aux dirigeants pour tenter d'amener le club vers une nouvelle victoire en championnat et en coupe d'Europe.

Pas mon équipe. Jamais. Pas mes gars. Jamais. Pas cette équipe. Jamais...

44 jours n'est pas un roman sportif. Le noyau du récit est situé dans le milieu du football mais le style choisi par l'auteur s'apparente plus au roman noir. David Peace s'intéresse d'avantage au personnage très charismatique de Brian Clough plutôt qu'au monde crasseux du football qui sert finalement de décor.
On est pris dans l'histoire, on rêve de victoire et on vît la lente et douloureuse descente en enfer du manager. On peut reprocher au roman quelques longueurs, ou plutôt lenteurs, mais il est indéniable que l'auteur est un véritable technicien des mots. David Peace dribble son lecteur avec facilité et marque un prodigieux but dans notre cœur avec cette ovni littéraire.
A ne pas manquer !

jeudi 10 mars 2011

Les anges s'habillent en caillera

Les anges s'habillent en caillera est le second roman de Rachid Santaki mais également le premier roman de la collection Le Syndikat aux éditions Moisson Rouge.

Présentation de l'éditeur :
Ilyès, dit le Marseillais, sort de prison. Il vient de purger une peine de 18 mois à la maison d’arrêt de Villepinte pour vol à la ruse. Il veut reprendre les affaires, mais il doit d’abord s’occuper de la balance qui l’a envoyé à l’ombre : un ex-poto empêtré dans des histoires de drogue, une petite poukave qui taffe avec les flics.
Les Anges s’habillent en Caillera s’inspire de la vie du Marseillais, escroc de Saint-Denis, peut-être le voleur de carte bancaire le plus doué de sa génération, devenu à 23 ans une légende en région parisienne. Sa route va croiser celle de Stéphane, un flic corrompu de la police judiciaire, manipulateur, violent et déterminé. Leurs histoires parallèles nous plongent dans l’univers de Saint-Denis, ville-personnage, avec sa galerie de anges (verlan de gens).

Le polar urbain refait son apparition avec cette nouvelle collection initiée par Rachid Santaki. C'est un retour en force du genre avec Les anges s'habillent en caillera. En effet, l'auteur manie le genre avec brio. Il incorpore l'univers policier aux cités sans jamais chuter une seule fois. Il évite les clichés des deux côtés et nous offre un roman sans faille.
La grande originalité pour nous intégrer à son histoire est l'utilisation du langage de rue, le verlan. Les phrases n'en perdent pourtant pas leur subtilité narrative et facilitent même notre insertion dans le roman. Entouré de voleurs, de racailles et de dealers, le lecteur suit Ilyès, le petit bandit qui va devenir un grand à la manière d'un Tony Montana dans Scarface.

Elle me donne son sac, le visage décomposé par la frousse. La peur se propage en elle : son corps se ramollit, ses yeux s'écarquillent, elle est tétanisée. Son parfum fruité s'est évaporé pour laisser place à l'odeur de la pisse. Son pantalon est trempé entre les cuisses. Je fouille son sac.

Si le lecteur se sent mal à l'aise par les divers trafics, absolument réalistes en passant, il ne peut même pas se retourner sur la police pour s'assurer un peu de tranquillité et de réconfort. Les flics ripoux veulent régner sur le monde de la drogue et sont moteurs de nombreuses tensions suite à des délations forcées.
Les anges s'habillent en caillera est un excellent roman noir. Agréable à lire et fort en intensité, il devrait faire beaucoup parler de lui. J'attends la suite de la série avec impatience, ça a été un véritable coup de cœur.

Fractale

Le roman Fractale est l'adaptation littéraire de la pièce de théâtre écrite par Marin Ledun pour France Culture.

Présentation de l'éditeur :
Fin de journée à SAUDIS Corporate, cabinet de conseil en placement de produits financiers. Un message d’alerte incendie est lancé. Six employés, trois hommes et trois femmes, gagnent le troisième sous-sol, conformément aux indications. Ils pensent à un exercice de sécurité. Mais quand les portes de l’ascenseur se referment derrière eux, ils réalisent qu’ils n’ont plus aucun moyen de remonter. Commence alors une attente épuisante où l’exercice se révèle être un jeu sordide dont chacun devra trouver les règles pour survivre.

Petit livre de moins de 100 pages construit à la manière d'une pièce de théâtre, Fractale se lit vite, très vite, et montre une fois de plus tout le talent de l'auteur pour emporter son lecteur dans son univers. Attiré depuis un long moment par le huis clos, m'a t-il avoué lors de l'une de nos rencontres, il met enfin la main à la pâte et nous livre une histoire fracassante dans laquelle il manie la montée de la tension comme un chef d'orchestre joue de sa baguette pour guider la musique.

On l'a remarqué avec son essai en collaboration avec la psychiatre Brigitte Font Le Bret ; Pendant qu'ils comptent les morts, Marin apporte une importance très particulière au monde du travail. Stress, manipulation, harcèlement ... autant de sujets dignes des meilleurs polars que subissent chaque jour les employés du monde entier. L'auteur nous offre ici une situation bien particulière qu'on aurait aimé découvrir dans un véritable roman de 400 pages. Mais la bonne nouvelle arrive bientôt avec Les visages écrasés.