dimanche 29 mars 2009

L'Orgue de Quinte

L'Orgue de Quinte est le deuxième tome de l'Arcamonde d'Hervé Picart aux éditions du Castor Astral. Pour les curieux, vous pouvez en savoir plus sur le blog très détaillé et dédié à l'Arcamonde : http://arcamonde.hautetfort.com.

Présentation de l'éditeur :
Le légendaire orgue à liqueurs du héros d'un roman du XIX° siècle : voilà ce que Bogaert pense avoir déniché dans la petite ville médiévale de Provins. Mais l'antiquaire n'a pas laissé son flair dans sa boutique brugeoise. Il se retrouve bientôt sur la piste autrement plus inquiétante d'un maître verrier qui, dans sa quête du cristal parfait, est bien résolu à distiller le chagrin de ses victimes. Frans Bogaert va apprendre que lorsqu'il est question d'alchimie, toutes les larmes ne se valent pas...

Le nom si mystérieux d'Arcamonde représente en fait la boutique que possède ce nouvel enquêteur-antiquaire qu'est Frans Bogaert. Personnage intéressant, intriguant et intelligent qui va nous embarquer dans une enquête dont l'action se situe principalement dans le passé. Et c'est cette particularité qui va donner au récit tout cette richesse dont l'auteur nous fait don. Une narration peu commune dans les romans policiers de nos jours. L'ouvrage s'avère même être plutôt un roman à énigme qu'un polar dit classique. Le lecteur et le personnage principal vont suivre les élucubrations d'un verrier apprenti alchimiste qui mettra tout en oeuvre pour réaliser son fantasme.

Seul le passé la concerne.

La force de ce roman est qu'il expose deux thèmes accrocheurs. Le premier est le roman policier façon Sherlock Holmes, dont il s'autorise même une référence : "Astucieuse hypothèse, mon cher Watson". De la réflexion et des énigmes sont donc au rendez-vous. Le second thème incontestablement présent est le côté historique qui enrichit le texte en mélangeant fiction et réalité. Déjà que le personnage est antiquaire, donc marchand d'histoire en quelque sorte, il utilise un discours presque trop poli et un peu surfait qui renforce l'idée d'enquête intemporelle.

Rêver endormi apaise l'esprit, et rêver éveillé adoucit la vie...

Le Sherlock Holmes du 21ème siècle va vivre un véritable retour dans le passé suite à la découverte d'un étrange objet sur un marché d'antiquaires de Provins. L'auteur se permet même de nous faire profiter du voyage en tentant d'absorber toute nouvelle technologie : "Il n'y a d'ailleurs ni téléphone ni télévision non plus...". Au fur et à mesure que l'investigation avance, celle-ci va devenir de plus en plus inquiétante et douloureuse pour Frans. En effet, outre le mystère flottant autour de l'Orgue de Quinte, il est confronté à l'étrange disparition de sa femme dont il découvre des traces de son passage dans différents lieux. Une énigme dans l'énigme ? Une double enquête pour l'antiquaire ?

C'était sans doute la revanche de ce nabot encagoulé que de pouvoir ainsi raccourcir les autres.

Aux antipodes du thriller, le roman s'avère être efficace et entraînant rappelant même parfois les succulentes énigmes d'Agatha Christie (on pense notamment aux terrifiantes révélations dans la pièce accueillant tous les protagonistes de l'histoire). D'ailleurs l'auteur ne se prive pas de rendre hommage aux auteurs, artistes et autres mythes grecs qu'il admire; Balzac, Zola, Boris Vian, Maupassant, Lovecraft, Lautréamont, Huysmans, Empédocle et ses quatre éléments ... et j'en passe car la liste est extrêmement longue. On reste un peu sur notre fin mais comme dans toute série, il faut attendre le prochain épisode ...

Note : 14/20

dimanche 22 mars 2009

Je, François Villon

Je, François Villon est un roman de Jean Teulé, l'auteur du célèbre Magasin des suicides. Cet ouvrage semble compléter une trilogie sur les poètes voyous et friands de liberté débutée par Rainbow pour Rimbaud et Ô, Verlaine!.

Présentation de l'éditeur :
Il est peut-être né le jour de la mort de Jeanne d'Arc. On a pendu son père et supplicié sa mère. Il a étudié à l'université de Paris. Il a joui, menti, volé dès son plus jeune âge. Il a fréquenté les miséreux et les nantis, les curés, les assassins, les poètes et les rois. Aucun sentiment humain ne lui était étranger. Des plus sublimes aux plus atroces, il a commis tous les actes qu'un homme peut commettre. Il a traversé comme un météore trente années de l'histoire de son temps. Il a ouvert cette voie somptueuse qu'emprunteront à sa suite tous les autres poètes : l'absolue liberté. Après Rimbaud et Verlaine, Jean Teulé ne pouvait mieux clore son voyage en Poésie qu'en endossant avec orgueil et humilité les haillons magnifiques de François Villon.

François Villon est né en 1431. Alors que sa mère est condamnée à mort, le jeune François est confié aux mains du chanoine Guillaume de Villon qui deviendra son tuteur. Déjà tout jeune il est attiré par la liberté; la liberté de vivre, la liberté de parler et la liberté d'écrire ce que bon lui semble. Doué pour la poésie, il va imposer un nouveau style à celle-ci qui révolutionnera l'image de cet art à tout jamais. Finies les ballades soporifiques parfumées à l'eau de rose des moines et faites place aux vers de la douloureuse existence et de la fatale destinée des gens de cet époque.

Je sors de la poésie bel esprit.

François Villon est un véritable cancre pour l'école et un voyou pour la société. Principale tête pensante des pires bêtises de l'époque, il va s'acoquiner avec les pires vandales et participer à de nombreux crimes. Entre réalité biographique et fiction littéraire l'auteur nous plonge dans la vie d'un poète hors du commun. Et c'est avec beaucoup d'humour (lire notamment les scènes avec le bourreau) que nous sommes conquis par cet étrange personnage.

Vous êtes le mauvais garçon du siècle !

Par le biais d'images, de faits historiques et des poésies de Villon, l'auteur nous narre son histoire en donnant un sens et une chronologie à ses poèmes. Lorsqu'il devient troubadour hors de Paris, Teulé en profite même pour lui faire son procès. Ses vers dérangent et ne plaisent pas à tout le monde. C'est le cas pour le duc d'Anjou qui lui demande de décrire les paysages de son territoire et auquel François répond : "Je ne suis pas champêtre, pas paysagiste du tout ! Mon seul arbre est la potence.". D'échec en échec, le poète des tavernes va finir par errer sur les routes de France et rencontrer de nouvelles crapules.

à l'éclat bleu d'une vitre cassée, je croise le reflet de ce qui me paraît être un étranger

Après ces dernières rencontres, le poète va s'assagir et se remettre en question en signant la très belle ballade des menus propos. Jean Teulé a réalisé un ouvrage très complexe et très documenté. Il a su mélanger la vie de François Villon aux travers de ses poèmes avec certains passages romancés pour nous conter la fabuleuse aventure de l'homme qui deviendra ensuite un modèle pour tout artiste décalé et assoiffé de liberté.

Note : 17/20

dimanche 15 mars 2009

Conscience animale

Conscience animale est le premier roman de Franck Thilliez. Cet ouvrage n'est plus édité actuellement et il devient très difficile de se le procurer.

Présentation de l'éditeur :
Et si se terrait en chacun de nous une animalité sanguinaire ? Et s'il était possible par un sacrifice bien mené de la réveiller ? Et si un homme avait précisément en tête d'user de ce savoir secret pour mettre en place une gigantesque entreprise assassine ? C'est dans le tourbillon de tous ces " si " que vont être aspirés Warren, père de famille presque ordinaire, Sharko, inspecteur tenace et téméraire, Moulin, jeune recrue faisant ses premières armes, et Neil, linguiste pour le moins singulier. Nouant leur destin dans une enquête balisée par le sang et la cruauté, ils devront affronter l'impensable pour réaliser l'impossible. Mais quel sera le coût de cet impossible ?

Conscience animale est la première enquête de l'inspecteur Sharko. En effet, ce personnage est récurrent chez l'auteur puisqu'il deviendra commissaire dans Train d'Enfer pour Ange Rouge et Deuils de Miel. Même si la trame rappelle sans nul doute ses autres romans, son style a bien changé par contre. Des phrases longues, des exagérations au niveau du nombre d'adjectifs utilisés et beaucoup de métaphores peuplent le texte. Il en fait un peu trop mais ça ne gêne pas vraiment. Le principal atout de cet auteur c'est qu'il nous plonge à chaque fois dans de nouvelles phobies. Après les anophèles de Deuils de miel, quelques araignées vont vous grimper dessus tout au long de cette lecture.

les courbes douceâtres d'un soleil rouge anormalement surdimensionné

Franck Thilliez a ce don de nous terrifier et de flirter avec les limites de l'insoutenable. Violence, phobie, dégoût ... l'auteur semble mener une quête de l'étrange, du bizarre et de l'interdit. Une sorte de recherche de l'extrême ? Le snuff movie avec TEAR, l'empalement avec La chambre des morts, les freaks avec L'anneau de Moebius ... rien ne l'arrête et il n'épargne personne. Si je devais le comparer à un réalisateur de cinéma, je pense que David Cronenberg et son obsession pour la chair humaine s'en approcherait le plus. Ici, l'inspecteur va devoir se battre contre les consciences animales d'une bande organisée de tueurs sanguinaires. Accrochez-vous ... en espérant que vous n'aillez pas peur du noir !

C'est la société, l'évolution, la science, qui ont anesthésié cette conscience animale ...

Un bon roman donc avec peut-être quelques petits problèmes de style, une écriture moins fluide que dans les romans qui suivront. J'ai aussi été dérangé par les interventions divines qui donnent une pincée de fantastique dans ce polar choc et tellement violent. L'histoire n'en est pas pour autant pénalisée. Les personnages sont plus ou moins attachants et les scènes de meurtre sont très fortes émotionnellement parlant. Malgré un Sharko un peu différent on est toujours heureux de le retrouver dans des aventures aussi peu ordinaires.

Note : 13/20

dimanche 8 mars 2009

Un sur deux

Un sur deux est un roman de Steve Mosby, jeune auteur anglais très prometteur.

Présentation de l'éditeur :
C'est un grand jour pour Mark Nelson. Après avoir tout investi dans son travail, à la suite de la mort tragique de sa petite amie, il est nommé dans l'équipe de John Mercer, flic légendaire, qui vient de retrouver son poste après une longue dépression.
C'est ce moment précis que choisit l'ennemi intime de Mercer pour réapparaître. Un tueur qui s'en prend aux couples et ne laisse qu'un des deux amants en vie. Lorsqu'il enlève une jeune femme et son compagnon Mercer et Nelson, n'ont que quelques heures pour les retrouver.
Ce n'est que le début d'un puzzle cauchemardesque, aux pièces parfaitement ciselées. Les apparences sont en effet trompeuses et le plan du tueur se révèle peu à peu une manipulation machiavélique à l'intensité dramatique et au rebondissement final digne des plus grands thrillers.


John Mercer est un policier marqué par le meurtre d'un ancien collègue. Quelques années après avoir repris son poste, il va devoir se battre à nouveau contre un tueur aux méthodes similaires. Le même tueur ? Mark Nelson est un jeune flic qui vient d'être affecté dans l'équipe de Mercer. A eux deux ils vont former un duo efficace qui va nous embarquer dans une traque sans pitié. Un duo de choc composé de personnages non habituels et bien travaillés qui m'a fait pensé au tandem Nazutti/Andreotti du roman Versus d'Antoine Chainas.

Les premières occurrences portaient la marque de cet auto dénigrement dont il avait coutume.

Le lecteur va suivre en temps réel la première enquête du jeune Mark et celle-ci va s'avérer très prometteuse. En effet, le tueur est minutieux et calculateur, de quoi réjouir tous les amateurs du genre. Malheureusement, j'ai trouvé que le profil de ce personnage n'était pas assez approfondi. Beaucoup de questions restent sans réponse à son sujet et, malgré un rite mystique ("une cathédrale de mort") façon Se7en et un retournement de situation façon Saw, il est loin de ressembler à un John Doe (Se7en).

il parut devant moi comme auréolé par la noirceur de ses crimes

Mosby se permet d'associer efficacement deux thèmes que sont l'Amour et la Mort. Son roman présente ainsi une sorte de syndrome de Roméo et Juliette : le sacrifice et l'"envers du sacrifice". Pour le tueur, tout couple se ressemble, l'amour est le même pour tous. L'auteur va même jusqu'à faire prononcer exactement les mêmes paroles à deux femmes qui sont dans une situation similaire au niveau de leur couple. Cette phrase, la première du roman d'ailleurs, donne à la fois une sensation de protection et de malaise ; l'amour dans la mort ou la mort de l'amour.

il peignait son méchant en noir, son héros en blanc

Les méthodes et la psychologie du tueur auraient pu être plus travaillées, c'est ce qui, à mon avis, manque le plus à l'histoire. Mais l'auteur s'en sort plutôt pas mal avec un style simple et agréable. Steve Mosby est un auteur à suivre, il risque de faire beaucoup parler de lui s'il continue à produire ce genre de récit qui tient le lecteur en haleine du début à la fin.

Note : 15/20

mardi 3 mars 2009

Une saison de scorpions

Une saison de scorpions est un roman de Bernardo Fernandez, auteur mexicain. Ce roman fait parti de ma sélection pour le défi littéraire des cinq continents ; catégorie Amérique.

Présentation de l'éditeur :
La cavale mexicaine d’un sympathique tueur à gages qui a décidé de raccrocher et se trouve pris dans une série de quiproquos délirants. Son chemin va croiser d’un braqueur de banques yougoslave et de sa fine équipe de « narcojuniors ». La rencontre fera des étincelles… À la manière du film El Mariachi, de Robert Rodriguez, ou de Reservoir Dogs de Quentin Tarantino, ce court roman est un « western urbain » drôle et vivant, peuplé de personnages hauts en couleur.

El Güero est tueur à gages et accepte un contrat que lui propose le Señor, homme respecté et principal acteur du grand banditisme et de trafic en tout genre au Mexique. Mais El Güero ne semble pas être en mesure de respecter leur accord et décide de tout laisser tomber. Tout aurait pu s'arranger s'il ne s'était pas trouvé au mauvais endroit au mauvais moment ... Pris au milieu d'un braquage, il se retrouve embarqué dans une suite de catastrophes qui m'ont fait pensé au roman de Charles Higson : L'Encombrant Mister Kitchen. Les jeunes braqueurs n'ont pas idée de qui il est et des conséquences de ce malheureux braquage.

Despait ol mai reich aim stil yost a rat in a queich

L'auteur nous baigne dans une ambiance style Tueurs Nés d'Oliver Stone en y plaçant des personnages tels que les vilains de Maman, j'ai raté et l'avion et se permet un final grandiose façon Reservoir Dogs de Tarantino. Avec un style percutant il fonce droit au but telle une balle de 9mm qui s'élance dans les airs. Doté d'un grand sens de l'humour, il place ses personnages dans des situations à la fois violentes et hilarantes.

Tu sais que je sais que tu sais qui c'est.

Véritable road polar au climat Rock n' Roll, Une saison de scorpions ne ressemble à rien qui existe. C'est un mélange judicieux et audacieux de tout ce qu'on trouve d'efficace dans les romans policiers. De l'humour, des mafieux, de la drogue, des fusillades, des évènements désastreux qui s'enchainent, des personnages déjantés et attachants ... et tout cela en moins de 200 pages. Un gros coup de cœur pour ma part.

Peut-être qu'on ne veut pas de moi même en enfer.

Fiche d'identité du roman :
  • Auteur : Bernardo Fernandez
  • Titre : Une saison de scorpions
  • Éditeur : Moisson Rouge
  • Nombre de pages : 178
  • ISBN : 978-2-914833-76-9

Note : 18/20