jeudi 29 octobre 2009

Le cœur-de-gloire


Le cœur-de-gloire est le nouveau roman d'Hervé Picart et troisième opus de la série l'Arcamonde débutée par Le Dé d'Atanas et L'Orgue de Quinte.

Présentation de l'éditeur :
Que penser de ce cœur-de-gloire, un pendentif sans valeur, qui réapparaît de façon inexplicable chaque fois que sa propriétaire cherche à s'en débarrasser ? Cette relique d'un macabre rituel toscan laisse bien vite soupçonner un crime inavoué.
Une tortueuse investigation commence par Frans Bogaert, l'élégant brocanteur brugeois et sa pétillante assistante Lauren. Mais cette fois-ci, l'enquêteur pourrait devenir la victime - et même l'arme du crime.
Quand le jeu l'emporte sur le massacre, on découvre que l'orgueil se répand aussi aisément que le sang...


L'une des plus grandes craintes que l'on peut avoir lorsqu'on lit une suite de romans est de tomber dans le piège si souvent tendu par la lassitude et le banal. On a peur que la créativité ne soit plus au rendez-vous et que l'auteur souhaite faire du "suspense à tout prix" laissant de côté tout le travail précédemment effectué sur l'aspect psychologique des personnages. Mission réussie pour Hervé Picart qui arrive avec brio à nous tenir en haleine en restant fidèle à ses personnages et à l'ambiance si particulière qui règne sur le mystérieux Arcamonde (à l'image de la ville de Bruges finalement), et, qui sait se renouveler dans son intrigue pour nous offrir un nouveau casse-tête des plus originaux. En effet, le brocanteur numéro 1 des résolutions d'énigmes les plus farfelues va devoir déjouer un véritable jeu d'entourloupes et de rebondissements avec l'aide de sa charmante et perspicace collaboratrice Lauren.

je le confesse, le sang me fascine, ou du moins l'idée que je m'en fais

Après la glaciale Madame Van Ostade du Dé d'Atanas, l'auteur donne naissance à une nouvelle pin-up de l'Arcamonde qui contraste à merveille avec la première. Loin de se vêtir avec des couleurs froides, Ornella de Volder préfère le rouge vif et sanglant sur des tenues plutôt légères ... de quoi réchauffer le cœur triste de Frans Bogaert toujours sans nouvelle de sa femme. Le rouge d'ailleurs n'est pas sans rappeler le sang qui est à l'honneur dans cette nouvelle enquête puisque le mari d'Ornella collectionne tout ce qui se rapporte à cette matière. Étrange et inquiétant passe-temps à l'image de l'homme concerné.

ce n'est pas le crime qui crée l'enquête, c'est l'enquête qui crée le crime

L'antiquaire brugeois aux douces allures bourgeoises continue de flirter du côté de Sherlock Holmes et d'Hercule Poirot (c'est-à-dire les plus grands détectives) pour résoudre une nouvelle et ingénieuse énigme où il est lui-même l'instrument d'une odieuse machination. Entre machination, vengeance, faux semblant et manipulation, Bogaert devra user de toutes ses capacités mentales pour démasquer le vrai du faux. Les concepteurs de cette surprenante farce s'attaquent et semblent vouloir se mesurer à l'un des plus grands détectives du temps moderne ... mais attention à eux car rien ne survivra à la confrontation finale. Encore un excellent moment passé avec les personnages de l'Arcamonde dans une histoire qui est, à mon goût, la plus captivante de la série pour le moment. Un roman-feuilleton qui ne cesse d'évoluer et de s'enrichir, le meilleur reste donc à venir.

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vendredi 23 octobre 2009

Dracula l'immortel


Dracula l'immortel est un roman réunissant les mains de Dacre Stoker et celles de Ian Holt, roman affiché comme étant la suite officielle du Dracula de Bram Stoker. Les noms de famille des deux écrivains ne vous auront pas échappé, il s'agit bien de la même famille, Dacre étant l'arrière-petit-neveu du père de Dracula.
Difficile de ne pas passer à côté de ce roman tant la promotion a été importante ... alors, arnaque ou véritable suite ? Ma réponse ci-dessous ...

Présentation de l'éditeur :
En 1888, un groupe de six intrépides a réussi à détruire Dracula aux portes de son château de Transylvanie. Vingt-cinq ans plus tard, ils se sont dispersés mais le souvenir de cette périlleuse aventure où l’un d’eux a laissé sa vie les poursuit. Combat quasi mystique contre les forces du mal, vengeance d’amoureux endeuillés ou inextinguible jalousie : les raisons mêlées de leur acte continuent de perturber leur existence et la disparition du prince des ténèbres n’a pas apaisé leurs tourments. Une mort inexpliquée devant un théâtre parisien et un deuxième assassinat d’une effroyable cruauté au cœur de Londres vont réveiller la peur. Du Quartier latin à Piccadilly Circus, l’ombre de Dracula semble à nouveau planer… Les héros d’autrefois devront faire face à un ennemi insaisissable aux attaques sournoises ou d’une violence inouïe, mais aussi à leurs propres démons. De quoi brouiller les pistes et troubler les esprits, dans une intrigue menée avec maestria qui ressuscite le fantasme et la malédiction de l’immortalité.

Dacre Stoker et Ian Holt ont osé réveiller le vampire le plus célèbre de la littérature, le comte Dracula, alors que Bram Stoker s'était acharné à le détruire. Ils ont réalisé leur projet à partir des notes retrouvées de ce dernier et en y associant des faits marquants de l'histoire. En effet, un impressionnant travail de recherches vient se greffer sur la trame principale qui est, vous l'aurez deviné, le retour de Dracula. Dracula n'est pas le seul survivant puisque tous ses anciens adversaires (Van Helsing, Seward, Harker et cie) ont réussi à survivre quelques dizaines d'années, anéantis par les douloureux souvenirs de leur grandiose bataille. Nous sommes en 1912 et chacun de ces protagonistes a continué de vivre mais aucun ne semble être heureux. L'ombre du comte plane encore sur leur vie. Mais le reflet d'un autre personnage mystique semble onduler sur le flot paisible mais compliqué de leur existence, celui d'Élisabeth Bathory connue par ses monstruosités cités dans les folklores et les cultures populaires slaves.

- Le monde est cruel, ma chère. Je n'en suis que le reflet.

Un nouveau personnage apparait dans l'Angleterre du début du vingtième siècle, l'inspecteur Cotford, qui était prévu dans la version d'origine du Dracula de Bram Stoker et qui a été supprimé pour une raison inconnue. L'arrivée de ce flic donne au récit un côté hard-boiled qui, bien que j'apprécie beaucoup ce style, contribue à la perte du charme victorien instauré dans le Dracula original. Ce roman d'ailleurs a une importance capitale dans cette suite puisque Bram Stoker est transformé en tant que personnage de l'aventure (1912 correspond à l'année de sa mort) et se voit offrir le rôle d'un metteur en scène de théâtre. Il s'agit sans doute pour les deux écrivains d'un hommage afin d'immortaliser le grand auteur dans son œuvre capitale ... je ne trouve pas le résultat réussi puisque le personnage parait légèrement borné et même parfois un peu bête. Alors que l'écrivain décédé semble devenir un personnage, Dracula, lui, est humanisé. De même que toute la troupe de héros du premier roman. Tantôt issés au rang de héros, voire d'immortels, les Van Helsing, Harker et compagnie deviennent de simples êtres humains, mortels, avec leurs lots de problème. A l'inverse d'un bon vin, ces personnages ne se sont pas bonifiés avec l'âge ... l'héritage du premier roman semble totalement perdu.

C'était indubitablement l'œuvre du démon.

Après une première partie angoissante et entraînante, la suite se révèle être vraiment décevante. Au delà des personnages, c'est le mythe tout entier de Dracula qui parait dénaturé. Les auteurs en font trop. Trop de mélanges, trop de détails historiques enlèvent toute crédibilité à l'ouvrage initiale de Bram Stoker. Tous les personnages m'ont agacé dans cette suite alors qu'ils m'avaient tant fait rêver dans le premier opus. Les auteurs auraient sûrement du laisser le comte Dracula du côté des Carpates où la légende l'avait laissé se terrer à jamais. Malgré un style très appréciable, l'intérêt de l'histoire est à mon sens totalement perdu. Dommage ...

- A présent que c'est la fin, comprenez-vous qu'on puisse redouter la mort ?

A voir, le site officiel du roman : ici.
A voir également, un avis très complet sur le roman : ici.
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dimanche 18 octobre 2009

Dracula


Dracula est un roman de Bram Stoker devenu à présent un classique immanquable de la littérature fantastique. Alors que Dracula l'immortel de Dacre Stoker, arrière-petit-neveu du célèbre Bram Stoker, vient à peine de sortir en librairie, j'ai décidé de retourner dans l'univers de base du plus célèbre des vampires et poursuivre ma lecture logiquement avec le récent roman de Dacre Stoker et Ian Holt.

Présentation de l'éditeur :
Comment Vlad III, prince de Valachie, dont le goût immodéré pour le supplice du pal lui avait valu le surnom de "Tepes" (l'empaleur), est-il devenu, sous la plume de Bram Stoker, le comte Dracula ?
Comment un seigneur de la guerre mort au combat en 1476, contre les Turcs est-il devenu un non-vivant, se nourrissant du sang de ses victimes ? Comment, enfin, le folklore du vampire s'est-il nourri des chroniques historiques ?
Mystérieuse alchimie qui fit l'universel succès du roman de Stoker. Par lui, la légende, reprise à la scène et surtout à l'écran, est devenue mythe et a donné naissance à la saga du Prince des ténèbres.


Ce roman, considéré comme un grand classique de la littérature du XIXe siècle, a fait dépasser son personnage au delà des frontières roumaines de la Transylvanie où vécut le monstre historique qui a inspiré Bram Stoker pour son personnage : Vlad III l'Empaleur. Véritable icône mondiale du mal, cet être damné a également traversé les âges et les écrans de cinéma pour nous procurer nos plus grandes frayeurs ; on pense bien entendu au Dracula de FF Coppola, au Nosferatu de Murnau et aux acteurs qui ont contribué à rendre célèbre le personnage : Bela Lugosi et Christopher Lee. Bien que le mythe initié par Bram Stoker ait été modifié à maintes reprises (pour par exemple lui donner un caractère érotique ou humoristique), Dracula restera à jamais gravé dans nos mémoires comme étant l'un de ces montres suprêmes qui semblent indestructibles. Et c'est tant mieux, car ce personnage est intéressant sous tout point de vue et a permis de révéler de nombreux artistes aux goûts plus ou moins morbides ...

La mort, c'est pas la seule chose sur quoi on puisse compter ?

Dracula de Bram Stoker est un roman original sous plusieurs angles. Le mythe du vampire ayant déjà été évoqué dans la littérature bien avant lui, il associe le vampire aux légendes populaires, lui donne une véritable identité en réalisant des recherches poussées sur Vlad Tepes et lui associe des règles strictes pour se déplacer, vivre et mourir (ces bases du vampirisme sont d'ailleurs citées par le légendaire Van Helsing). Il couronne son personnage comme étant le roi des vampires. Une autre des originalités est le style de récit utilisé par l'auteur. En effet, Bram Stoker narre son histoire par le biais de témoignages, journaux intimes et lettres retrouvées. Cette astuce lui permet d'accroitre le réalisme de ses personnages ; un peu à la manière du Projet Blair Witch au cinéma.

Ma vengeance ne fait que commencer!

Dracula dérange et fait parler de lui depuis sa création. Mais au delà du simple personnage horrifique, Bram Stoker a créé un mythe qui inspire et fait réfléchir sur plusieurs thèmes. La mort par exemple, elle est considérée ici comme un mensonge (lire le passage où le cimetière est cité comme un recueil de mensonges, ou bien simplement avec ces victimes qui ressuscitent pour devenir à la fois mortes et vivantes). Ou encore les limites de la sexualité avec un personnage qui rassemble une longue liste de tabous en lui : il est vieux et cherche à s'emparer de jeunes femmes, il est parfois représenté comme un animal et il est un mort-vivant qui pratique des morsures sur ses victimes ... une sensualité omniprésente envahit le caractère terrifiant du monstre. Sueurs, angoisses, peurs, actions, héroïsme et rebondissements ornent ce chef d'œuvre littéraire qui a fait naitre l'un des personnages les plus célèbres de toute la littérature.

jeudi 15 octobre 2009

Minuscules extases


Minuscules extases est le nouveau roman de Denis Grozdanovitch, ancien sportif professionnel de tennis et de squash. Au passage, merci à BOB de m'avoir fait profiter de leur partenariat avec les éditions Robert Laffont.

Présentation de l'éditeur :
Avec sa nonchalance inimitable, Denis Grozdanovitch nous propose les flâneries planétaires d'un hédoniste curieux de tout et fin observateur des comportements de ses contemporains. Son autoportrait en gourmandise mêle saynètes d'enfance, souvenirs sportifs et anecdotes osées, véritables petits chefs-d'œuvre d'humour noir. Rêveur épicurien adepte de l'oisiveté et de la contemplation, il excelle à transformer le lecteur en complice amical qu'il emporte avec lui dans ses innombrables rêveries voyageuses.

Qu'il est difficile de pénétrer dans l'univers personnel d'une personne que vous ne connaissiez pas auparavant. C'est la première chose que je me suis dit en lisant la quatrième de couverture de ce roman. Mais un mot en particulier a retenu mon attention : "gourmandise", ou plus précisément le début de phrase "Son autoportrait en gourmandise". Astuce littéraire efficace et alléchante à la manière de la Madeleine de Proust qui ne pouvait que trouver preneur en ma personne. C'était donc avec plaisir et appétit que je commençais à déguster les diverses "synesthésies gustatives" de l'auteur.

Au cours de la lecture on se rend vite compte qu'il est indéniable que notre narrateur soit un épicurien pure souche. Toujours en quête de nouvelles sensations et de nouveaux plaisirs à découvrir et à décrire, l'auteur nous dresse une autobiographie véritablement appétissante où il met à l'épreuve son lecteur en le tentant par de succulents mets tels que des crêpes, des gaufres, des pizzas ... ou encore des frites, sandwichs ... mais un peu moins, pour ma part, avec les escargots. Son ouvrage n'est pas uniquement, comme toute autobiographie, c'est à dire narcissique et nombriliste, mais il sert à redonner du goût au "monde actuel, de jour en jour davantage gagné, hélas, par une fastidieuse monotonie sans saveur". Excellente initiative donc de la part de l'auteur que nous permettre de retrouver le goût de certaines saveurs assurément connues et appréciées, mais parfois malheureusement oubliées.

Malgré la jolie plume philosophique et ragoûtante de l'auteur, ce petit recueil gourmand d'anecdotes gustatives et individuelles paraît finalement un peu trop timide et impersonnel. Certaines saveurs se délectent aisément alors que d'autres semblent plus fades, voire parfois frustrantes par le manque de précisions et d'informations croustillantes. Bien que l'auteur discute amicalement avec son lecteur, ce dernier s'attend à en découvrir un peu plus sur sa vie, ses secrets et autres révélations privées. De beaux textes certes ce roman autobiographique en est truffé (mention spéciale au dérangeant Cadavres exquis) mais je suis légèrement resté sur ma faim.

Un petit extrait :
J'ai donc tenté de rassembler ici quelques-unes des vignettes que ma mémoire a indissolublement fixées à certaines de mes plus vives émotions gustatives et l'on verra que beaucoup d'entre elles forment (réalité ou fantasme ?) une alchimie indissociable et révélatrice des lieux géographiques où elles prirent place ; comme si une synesthésie plus secrète encore reliait notre appréhension superficielle des choses à l'âme tellurique de chacune des facettes de notre kaléidoscopique planète.

Note : 12/20 

lundi 12 octobre 2009

Feu de glace


Feu de glace est un roman de Nicci French, qui a d'ailleurs été adapté au cinéma : voir ici. Bien qu'il n'y ait qu'un seul prénom et qu'un seul nom, deux personnes se cachent sous cette identité, un couple britannique composé de Nicci Gerrard et Sean French.

Présentation de l'éditeur :
Alice Loudon mène une existence pleinement satisfaisante. Pourtant, il a suffi d'un échange de regards avec un inconnu croisé dans la rue pour qu'elle renonce à tout ce qui lui est cher. Lorsqu'elle se lance tête baissée dans sa liaison avec Adam Tallis, elle ne connaît rien de lui, pas même son nom. Sous l'emprise de la passion, elle quitte son compagnon pour aller vivre avec Adam et l'épouse dans les 2 mois qui suivent leur première rencontre. Graduellement, à mesure qu'Alice découvre la personnalité complexe et tourmentée d'Adam, qu'elle s'efforce de percer ses secrets, sa curiosité initiale va virer à l'obsession, menaçant son couple, sa sécurité, son équilibre mental et jusqu'à sa vie....

Je ne vais pas m'étendre très longtemps sur ce roman que j'ai trouvé sans grand intérêt. A l'inverse d'un roman noir qui fait le listing des maux sociaux, ce thriller, que l'on peut qualifier de mielleux, essaie de bercer son lecteur dans une histoire à l'eau de rose sans jamais vraiment surprendre.

Déjà qu'elle semble avoir trouvée l'homme idéal, Alice se décide, après un tiers du roman, à jouer à pile ou face avec sa vie en quittant Jake pour Adam ; début d'histoire parfait pour un épisode des feux de l'amour ... A partir de ce moment, on s'attend à découvrir de terrifiants secrets, à vivre une aventure glaciale et surprenante. Que nenni ! Alors que l'histoire possédait un réel potentiel pour nous faire gravir des montagnes meurtrières en compagnie d'un guide totalement sadique, les auteurs se sont contentés de nous communiquer leur amour l'un pour l'autre au travers des situations quotidiennes des couples Alice-Jake et Alice-Adam. Même le fait que l'héroïne soit perturbée par tous ces changements est, à mon sens, mal traité.

Vous l'aurez compris, le problème avec ce roman est que l'histoire se tourne trop vers le petit quotidien ennuyeux d'Alice et de ses hésitations plutôt que de nous entrainer dans une traque effrayante dont ce serait volontiers permis un véritable écrivain de thriller. Je viens de découvrir les thrillers à l'eau de rose ... et je n'aime pas.


Note : 8/20

mercredi 7 octobre 2009

Le Procès


Le Procès est un des célèbres romans inachevés de Franz Kafka.

Présentation de l'éditeur :
Comme un long cauchemar... Un personnage sans nom : K. Une arrestation sans motif. Des juges inaccessibles. Un avocat introuvable. Des portes qui s'ouvrent sur des scènes interdites. Un lent glissement des choses vers le néant, l'absurde. Pour finir, une exécution inéluctable.
Roman existentialiste avant la lettre, roman de l'angoisse, de la culpabilité pour les uns, roman-manifeste, roman symbole de la montée du totalitarisme pour les autres : "Le procès" résiste à toutes les interprétations ! Signe évident d'une œuvre majeure qui traite de la condition humaine dans ce qu'elle a de plus essentiel.


Dès le premier chapitre du Procès, voire même dès les premiers mots, le personnage principal, Joseph K., sent que quelque chose ne tourne pas rond. Bien que la domestique soit en retard pour lui apporter son petit-déjeuner quotidien, ceci n'explique pas pourquoi deux hommes se sont postés près de sa chambre pour l'attendre. Joseph K. va tour à tour devoir se confronter aux divers intervenants de l'arrestation et affirmer son innocence. K. se sait innocent et pense être à l'origine d'une mauvaise blague ou d'une erreur judiciaire. Rien de tout cela n'est vrai puisqu'il s'agit bien de Joseph K. qui est accusé par la Loi. Accusation injuste ou non, K. est pris dans une sorte de spirale où tout tourne autour d'un même centre : son procès. Chaque personnage rencontré est lié de près ou de loin au procès de K. mais personne ne semble en connaître la raison. De plus, son arrestation surprend car il reste libre de ses actes, va et vient comme il veut là où il lui semble bon d'aller. Mais partout où K. se dirige, il retrouve toujours une attache au tribunal avec laquelle il va discuter et tenter de comprendre de quoi on l'accuse ou tenter d'en apprendre au sujet de cette loi dirigée par des gens peu scrupuleux (allusion aux revues pornographiques trouvées dans un des bureaux du tribunal). Joseph K. décide donc de se battre et de chercher toute l'aide possible pour s'innocenter (on retrouve d'ailleurs le symbole de l'innocence avec les deux enfants qui le retiennent par les jambes) aux yeux de la Haute-Cour. Mais comment prouver son innocence lorsque l'on ne sait même pas de quoi l'on est accusé ?

Vous êtes arrêté, certes, mais cela ne doit pas vous empêcher d'exercer votre profession. Vous ne devez pas non plus être gêné dans votre façon de vivre habituelle.

Le lien entre l'auteur et le personnage ne fait aucun doute. Déjà qu'ils sont âgés tous les deux d'une trentaine d'années à l'époque, le fameux "K" les désigne par leur nom de famille. On peut aussi penser qu'un autre lien les unie par leur prénom (Franz Kafka et Joseph K.). En effet, Franz Kafka doit son prénom au célèbre empereur autrichien qu'admirait son père : Franz-Josef. On peut donc supposer que le Joseph du roman fait allusion au second morceau du prénom composé de l'empereur puisque l'auteur porte déjà le premier des deux morceaux comme prénom. D'où la supposition que l'histoire du Procès soit lié à son père, comme une sorte de référence pour l'impliquer dans le débat. Les rapports entre Franz et son père sont très conflictuels et il n'est pas impossible d'imaginer que les juges, totalement inaccessibles et supérieurs en tout point à K., représentent indirectement ce dernier. Autre remarque, Joseph K. est arrêté par deux gardiens dont l'un se prénomme Franz. Doit-on en conclure qu'il s'impose lui-même son propre procès ?

Comment un être humain peut-il d'ailleurs être coupable ? Nous sommes tous ici des êtres humains, les uns comme les autres.

Le procès n'est ici qu'un prétexte pour permettre à Kafka de critiquer et dénoncer le fonctionnement bureaucratique, qui peut amener un innocent à être condamner. Le but de la condamnation n'est pas importante et n'est vraiment que secondaire dans le roman car Kafka n'y attache aucune importance et le montre bien en ne précisant à aucun moment pourquoi Joseph K. est arrêté. Cette arrestation et condamnation un peu facile d'un innocent n'est pas sans rappeler l'antisémitisme régnant de l'époque (début 20ème). Le procès peut donc être interprété comme le procès de tous les juifs oppressés et devenir un regard sur la condition juive.

Le tribunal ne veut rien de toi. Il te prend quand tu arrives et te laisse quand tu t'en vas.

Pour conclure, il faut aussi noter la présence de la célèbre parabole de la Loi décrite par Kafka. D'ailleurs, est-elle liée à Joseph K. ? Est-il "l'homme de la campagne" dans Le Procès ? Bien qu'il souhaite découvrir lui aussi la Loi, celle-ci, contrairement à l'homme de la campagne, va le chercher pour le tuer et non le laisser mourir à ses pieds. L'auteur baigne son personnage dans une atmosphère glaciale mélangeant absurde et humour noir. Bien qu'elle soit incomplète, l'auteur signe une œuvre majeure pour la littérature contemporaine.


Note : 17/20

jeudi 1 octobre 2009

Fractures


Fractures est un roman de Franck Thilliez. N'hésitez pas à vous rendre, après avoir lu ce roman, sur le blog d'Alice, celle qui a inspirée l'auteur pour son histoire. Les informations qui y sont expliquées permettent de faire la part des choses et de réaliser combien la vie d'Alice a du être compliquée.

Mise à jour : A noter la sortie aujourd'hui d'un article sur Fractures dans le journal Libération. Les déclarations faites par l'auteur sont vraiment troublantes et prouvent le génie de celui-ci pour la mise en scène ... je n'en dis pas plus !

Présentation de l'éditeur :
Alice Dehaene se recueille sur la tombe de sa soeur jumelle, Dorothée, décédée dix ans auparavant. Une question la taraude : à quoi rime cette photo de Dorothée, prise il y a à peine 6 mois, qu'elle a récupérée des mains d'un immigré clandestin ?
Alice sait que quelque chose ne tourne pas rond dans sa tête. Son psychiatre à l'hôpital de Lille, Luc Graham, doit lui révéler le résultat d'un an de psychothérapie, lui apporter cette lumière qu'elle recherche depuis si longtemps. Mais les événements étranges qui se multiplient autour de la jeune femme vont l'en empêcher : son père, agressé chez lui à l'arme blanche, et qui prétend avoir tenté de se suicider ; ce chemisier ensanglanté qu'elle découvre dans sa douche, à propos duquel elle n'a pas le moindre souvenir ; et cet homme retrouvé nu à un abri de bus et qui semble avoir vu le diable en personne.
Grâce à l'intervention de Julie Roqueval, assistance sociale en psychiatrie, Luc Graham, d'abord dubitatif, se décide enfin à mener l'enquête.
Un aller simple vers la folie...


Fractures est un roman policier assez sensible car il mélange fiction et réalité. Ce côté réel rend le récit encore plus stressant qu'il ne l'est déjà, surtout que l'histoire démarre sur les chapeaux de roues. En effet, dès le départ l'auteur décrit avec sensation d'inimaginables horreurs qui lui permettent de vous tenir en otage pour ne vous relâcher qu'à la dernière page du roman. Tout au long de l'histoire, Franck Thilliez joue avec nos nerfs en nous orientant à de multiples reprises vers diverses pistes et en usant de faux-semblants. D'autant plus qu'il multiplie les intrigues sans jamais commettre le moindre faux pas. Le problème psychiatrique d'Alice, la disparition de Dorothée, sans compter les ennuis rencontrés par chacun de leur parent ... La famille Dehaene doit faire face à de nombreux soucis que le docteur Graham essaie de résoudre. Lui-même doit d'ailleurs affronter certains démons du passé et tenter de cicatriser ses plaies pour aller de l'avant. Julie Roqueval, assistante sociale, collègue et amie de Luc Graham, va t-elle réussir à se faire une place dans toutes ses histoires et à comprendre ce qui les relie toutes ?

Tout semble tellement simple en apparence.
Tout est tellement compliqué en réalité.

Je me suis retrouvé entièrement absorbé par ce roman. Les personnages sont impressionnants de réalisme et le suspense autour du mystère caché de chacun d'entre eux est insoutenable. Chacune des pièces du puzzle est effrayante dès qu'elle trouve sa place dans les dédales de ce casse-tête littéraire et psychologique. Le personnage d'Alice est à la fois faible et courageux, sensible et obstiné. Mais une chose est sûre, Alice se sent de plus en plus perdue suite aux différents évènements récents qui l'entourent. Certains chocs vont la perturber et la désorienter totalement ("torturer ce corps qui la torture"). Avec l'aide de son psychiatre et de son ami Fred, elle souhaite découvrir la réalité et connaître les raisons de tous ces secrets et mensonges qui constituent son environnement.

sordide spectacle d'un survivant qui n'a pas eu la chance de mourir

Encore un roman où l'auteur nous promène dans les villes du nord de la France. Comme à son habitude, il utilise un thème intriguant comme point de départ, ici la psychiatrie, et brode une histoire effroyable tout autour. Plus qu'un simple romancier de thrillers, Franck Thilliez s'affirme comme un véritable tapissier de suspense et d'horreur. Autre remarque, ce n'est pas la première fois qu'il s'intéresse au cerveau dans ses romans ; rappelez vous La Mémoire Fantôme mais aussi le final de La chambre des morts avec les allusions aux parties du cerveau pour les caves de la Bête. On peut même aller plus loin en identifiant une référence à son premier roman ; Conscience Animale ("Il voit l'homme devenir animal, s'éloigner de sa conscience."). Difficile donc de passer à côté de ce thriller exceptionnel et violent psychologiquement, si vous êtes en quête de sensations fortes.

Note : 18/20