dimanche 22 février 2009

Légendes du mythe de Cthulhu 1

Légendes du mythe de Cthulhu 1 est un ouvrage composé de neuf nouvelles autour du mythe de Cthulhu créé par HP Lovecraft. Ce billet a été mis à jour au fur et à mesure que j'ai lu chacune des nouvelles. Celles-ci ont été écrites par différents écrivains dont Lovecraft, bien entendu.

Présentation de l'éditeur :
Ils sont descendus du ciel et ont régné sur la Terre. Et ils ont été bannis hors du monde. Ils sont couchés dans les sépulcres au fond de la cité perdue de R'Iyeh. Depuis des millions d'années, ils méditent. Ils savent tout ce que nous pensons. Tapis dans la ville engloutie, ils veulent revenir. Parfois ils frôlent le seuil de l'univers. Mais les Grands Anciens savent qu'un jour les étoiles reprendront la position propice dans le cycle de l'éternité. Alors retentira l'appel de Cthulhu : sur toute la surface du globe, les adorateurs secrets accompliront les rites immondes ; la Terre tremblera ; la cité monstrueuse émergera des océans ; les Grands Anciens seront libres de réduire la Terre à merci. Et les hommes se mettront à hurler de peur, de frénésie et de rage déchaînée.
  • L'Appel de Cthulhu (HP Lovecraft - 1928)
Avec cette première nouvelle, Lovecraft pose les bases de ce qui deviendra par la suite le Mythe de Cthulhu. C'est avec des personnages sans émotion et aux propos quelques peu racistes, que le célèbre écrivain introduit pour la première fois dans ses écrits cet immense monstre doté de tentacules, de griffes et d'ailes. Considéré comme un "Grand Ancien" - une sorte d'ancien Dieu - Cthulhu est enfermé au plus profond des mers. Mais de sa capitale sous-marine R’lyeh, où se situe son cercueil, il arrive à pénétrer dans les rêves de divers humains pour les amener à être ses disciples. L'auteur utilise la première personne pour conter son histoire et nous invite ainsi à pénétrer dans son roman et à partager les peurs de son héros. Son personnage principal récupère, suite au décès de son oncle, divers documents inquiétants relatant les recherches de ce dernier. Ces investigations décrivent des séries de cauchemars retranscrits par ses soins, mais également le terrible accident vécu et raconté par un marin. Lovecraft possède une plume légère et efficace qui semble glisser sur le papier. Aussi, il est indiscutable qu'il bénéficie d'une grande faculté à décrire la peur. A noter l'apparition du Necronomicon dans cette nouvelle avec cette célèbre citation : N'est pas mort ce qui à jamais dort, Et au cours des siècles peut mourir même la Mort.
Dans cette nouvelle, le personnage principal se fait recruter par un mystérieux homme qui semble s'intéresser à la magie noire et notamment au Necronomicon. Le but de cet emploi est de servir de secrétaire et de traduire quelques textes écrits en arabe. Dès le départ, l'ambiance est dérangeante. L'employé est invité à vivre dans une des chambres de la demeure afin d'être le plus souvent disponible. Des bruits étranges surviennent ... à chacun de ces sons la peur paraît grandir sur le visage de son patron. Que cachent ces ténébreux gémissements ? La vérité est encore plus horrible que ce que vous pouvez imaginer ...

  • Ubbo-Sathla (CA Smith - 1933)
L'auteur rédige, avec cette nouvelle, une judicieuse remontée dans le temps à l'aide d'une boule de cristal retrouvée chez un antiquaire. Presqu'hypnotisé par le reflet que lui projette l'objet, le personnage principal va se retrouver totalement immergé dans une sorte de contre-courant l'emportant à une époque inconnue par tous ... le début de tout.
Un récit plutôt moyen, non pas pour le style de l'auteur mais pour le contenu de l'histoire. Le fond est creux et n'apporte pas grand chose au mythe. Mise à part peut-être la présence de la mystérieuse et grande Pierre noire située en Hongrie qui pourrait servir de clé permettant d'accéder à un autre monde ... Aucune peur ressentie et peu d'originalité, l'auteur ne réussit pas là où les précédents ont brillé.
  • Les Chiens de Tindalos (FB Long - 1929)
On repart sur du bon, du très bon même. Une histoire à rendre fou. L'écrivain Halpin Chalmers a découvert une drogue lui permettant d'entrevoir le passé en élargissant son champ visuel fixé sur le présent ... Une vision très originale du temps avec thèses scientifiques à l'appui. L'homme va remonter le temps loin, très loin, jusqu'à découvrir l'origine de tout. Mais attention à ne pas être vu par les chiens de Tindalos.
  • Les Mangeuses d'espace (FB Long - 1928)
Une nouvelle tout à fait honnête et qui respecte l'ambiance Lovecraft. Là, les différents acolytes de l'histoire sont confrontés à une force surnaturelle qui tente de pénétrer les cerveaux humains. La première partie, dans la forêt, est très bonne et le récit aurait pu (du ?) s'arrêter là car les pages qui suivent sont presqu'inutiles. Dommage que la fin ne soit pas à la hauteur du début.
En grand admirateur qu'il est de Lovecraft, Derleth lui rend le plus beau des hommages en donnant vie au mythe de Cthulhu. Entre réel et imaginaire, le lecteur se voit plonger dans l'horreur la plus profonde où Lovecraft fait figure de messie du mal. Cette peur ressentie monte crescendo pour atteindre des sommets ... et l'un d'eux se nomme Nyarlathotep, l'Homme sans visage qui hante le bois maudit.
  • Au-delà du seuil (A Derleth - 1941)
Là encore Lovecraft prend une place importante dans la nouvelle. Après les peurs des bois, Derleth nous entraine dans la maison d'un vieil homme voulant communiquer avec les anciennes créatures qui ont emporté l'oncle Léandre. Le lecteur fait la connaissance de l'effrayant Ithaqua, le marcheur du vent. Encore un très bon récit de la part de Derleth.
La dernière nouvelle est très courte et manque d'originalité bien que le style de l'auteur soit remarquable.

Note : 15/20

mardi 17 février 2009

L'homme qui venait du passé

L'homme qui venait du passé est le dernier roman publié de Driss Chraïbi, malheureusement décédé en 2007. Ce roman fait parti de ma sélection pour le défi littéraire des cinq continents ; catégorie Afrique.

Présentation de l'éditeur :
L'inspecteur Ali n'est jamais pressé, même quand la sécurité du monde est en jeu. A fortiori quand une huile du gouvernement marocain le convoque pour lui annoncer une macabre découverte : un cadavre au fond d'un puits dans le patio d'un riyad, un palais de Marrakech. Entre deux bouffées de kif et quelques tajines épicés, Ali mène l'enquête grâce à son traditionnel réseau d'indics, composé de femmes de ménage, de chauffeurs de taxi et de caïds de la drogue. Mais il déploie cette fois ses antennes beaucoup plus loin que d'habitude, du côté de la France, des États-Unis et de l'Afghanistan. Qui est donc le mort du riyad, de quel réseau islamiste était-il le chef ? De la mafia marocaine aux coffres-forts des banques suisses, en passant par les hautes sphères du renseignement occidental, un gigantesque jeu de pistes se met en place, où Ali progresse nonchalamment vers les secrets les mieux gardés de la planète.

L'homme qui venait du passé fait parti d'une série de romans de Driss Chraïbi mettant en scène l'inspecteur Ali. Ce farfelu personnage nous entraîne dans une aventure pour le moins surprenante et importante à l'échelle mondiale. Sans oublier son sens de l'humour - on pense notamment au judicieux homo americanus-, Ali va parcourir des kilomètres allant du Maroc jusqu'en France pour enquêter sur le mystérieux meurtre de Marrakech. Alors qu'il vient d'être promu chef de la police criminelle marocaine, l'inspecteur se voit offrir une affaire très particulière : le maquillage de l'identité du cadavre découvert à Marrakech. Qui se cache sous cette mystérieuse identité ?

Nous, on n'a pas de démocratie, mais on mange bien.

L'inspecteur Ali doit cacher au monde entier le décès d'un des personnages les plus importants du monde musulman. Comment s'y prendre ? Il va devoir user d'astuces, trouver les mots et trafiquer des preuves pour se jouer du médecin légiste, de Scotland Yard, du MI5, de la CIA et autres personnes susceptibles d'être intéressées par cette information. Une tâche difficile et périlleuse mais pas impossible pour les larges épaules de l'inspecteur. D'autant plus qu'il profite de cette mission pour y créer sa propre enquête. Une investigation parallèle et autonome où il trouvera le soutien de plusieurs personnages secondaires.

Son quotient intellectuel était variable comme un baromètre, montait et descendait selon les méandres de son raisonnement et les caprices de sa météorologie personnelle.

La trame annonce un roman passionnant, drôle, et riche en évènement. Ce n'est pas tout à fait le cas, notamment à cause de l'humour décalé du policier. Ses discours complètement décousus lui permettent de faire perdre aux différents protagonistes le fil de la discussion. Le problème est que le lecteur se sent à son tour perdu dans cet amas de phrases délirantes et se surprend - je parle pour moi - à décrocher par moment. De plus, certaines situations auraient, à mon avis, gagné à être plus exploitées.

Tu as ouvert la porte pour me laisser entrer dans ta conscience et dans ta souffrance ?

Avec un style abrupt et direct, l'auteur ne cache pas les idées qu'il se fait du monde musulman et occidental. Parfois le personnage semble s'emparer du roman pour ne faire qu'un avec l'écrivain. Les deux protagonistes paraissent en pleine discussion. Driss Chraïbi se sert de l'inspecteur pour vider son sac et dénoncer la pseudo-guerre que certains fanatiques et hommes politiques se sont inventés. Avec un final assez surprenant, il en ressort de L'homme qui venait du passé un bon roman plutôt accès sur l'humour et la bêtise humaine que sur une intrigue policière classique.


Fiche d'identité du roman :
  • Auteur : Driss Chraïbi
  • Titre : L'homme qui venait du passé
  • Éditeur : Denoël
  • Nombre de pages : 199
  • ISBN : 2.207.24588.8

Note : 13/20

jeudi 5 février 2009

Les racines du mal

Les racines du mal est le second roman de Maurice G. Dantec.

Présentation de l'éditeur :
Andreas Schaltzmann est un tueur ; un paranoïaque qui croit au complot généralisé et qui s'est rasé la tête pour ''surveiller les os de son crâne qui changeaient de forme ''.Un schizophrène sujet aux pires hallucinations.Un fou dangereux enfermé dans son monde.Une énigme.
Trois scientifiques spécialisé dans le comportement des tueurs en série réalisent qu'il ne peut, à lui seul, avoir commis la totalité des meurtres qui lui sont imputés.Une autre chasse a l'homme commence.Effroyable.Avec au bout de la traque une vérité a l'image de notre temps.

Les racines du mal est une sorte de polar d'anticipation. Bien qu'écrit en 1995, une bonne partie des évènements se passe quelques années plus tard. Juste avant l'arrivée (apocalyptique ?) du nouveau millénaire. L'auteur se permet donc quelques avancées technologiques bien utiles à l'enquête menée par Darquandier ; spécialiste des sciences cognitives reconnu mondialement.

Cette fiction n'avait d'autre but que de masquer l'atroce réalité de la dictature alienazie.

La première partie du roman relate la vie perturbée d'Andreas Schaltzmann, schizophrène persécuté par des aliens aux méthodes nazies qui ont envahit notre monde. Sa folie s'accentue jusqu'au point de non-retour ; il tue pour se protéger de ces envahisseurs qui complotent à son sujet. Une traque commence. Une véritable chasse à l'homme où Andreas est le gibier et les aliens sont les chasseurs. Un début détonnant avec un personnage complètement délirant.

L'homme est à la fois une machine à contrôler le chaos et un propagateur de désordre.

La suite est beaucoup moins appétissante. Le rythme se calme et les pages semblent interminables. Le lecteur fait la connaissance de Arthur Darquandier qui deviendra le personnage central. Protagoniste à la limite du détestable et au caractère prétentieux, Darquandier va travailler en compagnie de la charmante Svetlana et du docteur Gombrowicz sur le cas Schaltzmann. Ce trio de scientifiques va tout faire pour comprendre les agissements du tueur schizophrène. Mais l'étude de ses meurtres vont révéler une incohérence ... terrible illogisme qui remet en cause une partie du procès de Schaltzmann. Suite à cela, c'est uniquement lorsque l'on atteint la page 349 que l'auteur cite la phrase suivante. Il nous prévient en quelque sorte que ce que nous avons lu jusqu'alors n'était qu'une mise en bouche.

Ne paniquez pas. Ce que vous avez lu en provenance des Cartea neagra vous a en quelque sorte préparé à ce qui va suivre.

Force est de constater que l'auteur a réalisé un admirable travail de recherche sur les thèmes de la cognitive, de l'intelligence artificielle et de la psychologie criminelle. Pour le côté anticipation du roman, Dantec a introduit un nouveau personnage ; une machine intelligente. Celle-ci évolue très rapidement selon les données qui lui sont transmises et va ainsi pouvoir aider notre héros à avancer dans son enquête. Mais attention aux différentes informations car la neuromatrice, en évoluant, se crée sa propre personnalité ...

Le monde n'était qu'un emboîtement infini d'instruments.

La dernière partie du roman, la meilleure selon moi, reprend un rythme effréné et nous plonge dans l'imagination perverse de l'auteur. Les atrocités décrites sont à la limite de l'imaginable. Les racines du mal est un très bon roman mais serait plus appréciable avec 200 pages en moins et un personnage principal auquel le lecteur pourrait s'identifier ou juste apprécier.

Note : 16/20

lundi 2 février 2009

Extension du domaine de la lutte

Extension du domaine de la lutte est un roman de Michel Houellebecq.

Présentation de l'éditeur :
Voici l'odyssée désenchantée d'un informaticien entre deux âges, jouant son rôle en observant les mouvements humains et les banalités qui s'échangent autour des machines à café. L'installation d'un progiciel en province lui permettra d'étendre le champ de ses observations, d'anéantir les dernières illusions d'un collègue - obsédé malchanceux - et d'élaborer une théorie complète du libéralisme, qu'il soit économique ou sexuel.

Le moins que l'on puisse dire après avoir refermé ce roman, c'est qu'il ne laisse pas indifférent. Avec un pessimisme très marqué, Houellebecq dénonce la cruauté de la société d'aujourd'hui. Son narrateur est un sombre défaitiste vivant à Paris et travaillant comme ingénieur en informatique dans une société de service. Célibataire depuis quelques temps, il vît seul et n'entretient que très peu de contacts avec ses amis. Amis qui ne sont finalement que des connaissances.

Je n'aime pas ce monde. Décidément, je ne l'aime pas. La société dans laquelle je vis me dégoûte

Alors qu'il se spécialise sur un progiciel destiné au ministère de l'Agriculture, notre anti-héros se voit offrir un parcours dans l'Ouest de la France pour former certaines sociétés au produit. Commence alors un douloureux périple où, accompagné d'un collaborateur extrêmement laid et obsédé, il entraîne le lecteur dans ses observations sur la nature humaine. Deux systèmes cohabitent d'après lui ; l'homme représente la domination, l'argent et le pouvoir ; la femme, quant à elle, représente la séduction et le sexe. C'est à partir de ces bases qu'il en vient à définir la signification du libéralisme sexuel et du libéralisme économique. Selon l'auteur, l'argent et le sexe constituent la liberté individuelle de l'être humain. Une vie sexuelle est nettement comparable à l'économie ; c'est la "loi du marché" qui y règne. L'Homme se bat pour obtenir sa liberté, mais notre conteur a baissé les bras depuis longtemps devant ce monde si injuste.

Le libéralisme [sexuel et économique], c'est l'extension du domaine de la lutte, son extension à tous les âges de la vie et à toutes les classes de la société.

C'est dans les rues de Rouen et d'autres villes de province que le narrateur guette, épie, surveille et examine le comportement de l'Homme face à différentes situations. Comment réagit celui qui n'a jamais eu de relation sexuelle face au nouvel échec d'une tentative de drague ? Quels réflexes avons nous devant la mort si soudaine d'un homme devant nos yeux ? Les réactions décrites sont à la fois surprenantes et affreusement réelles. Au final le personnage semble sortir du lot et on se demande même parfois si cet être si dépressif n'est pas le seul à jouir de la vie.

Les ultimes résidus, consternants, de la chute du féminisme.

Quand libéralisme rime avec capitalisme, Houellebecq décrit avec beaucoup d'humour noir la vie quotidienne de millions de personnes. Il compare bien souvent notre société à un monde animal imaginaire ; un monde tout de même proche du réel où les animaux sont enfermés dans des cages et deviennent complètement fous. Malgré ses quelques 156 pages, nous pourrions discuter sur ce roman pendant des heures. Les théories de Houellebecq sont très intéressantes et le style employé est excellent. Je ne le cacherai pas, j'ai adoré.

Note : 18/20