mercredi 29 juillet 2009

The long good-bye

The long good-bye est un roman hard-boiled de Raymond Chandler.

Présentation de l'éditeur :
La première fois que Marlowe vit Terry Lennox, visage jeune et cheveux blancs, il était fin soûl dans une Rolls Royce Silver Wraith. La fille à ses côtés, chevelure d’un magnifique blond vénitien, sourire vague aux lèvres, portait sur les épaules un vison si prestigieux que, près de lui, la Rolls ne semblait plus qu’un tacot de série. Cette amitié spontanée de Marlowe pour cet ancien commando au charisme énigmatique amène le privé à passer des frontières que son métier rendait a priori infranchissables. Terry Lennox n’a pas fini de le surprendre. S’il est innocent des crimes dont on l’accuse, il est aussi le centre d’un jeu mortel où la tragédie triomphe sans égale.

Après avoir fait la rencontre de Terry Lennox, le détective Marlowe, qui semble être pourtant insensible, va ouvrir son cœur à ce nouvel ami. Mais celui-ci est rongé par de terrifiants secrets et un étrange mariage qui semble plus tourner autour d'une tragédie plutôt qu'une idylle. Évidemment, comme tout bon roman policier qui se respecte, notre privé va se retrouver embarqué, bien malgré lui, dans une histoire de faux-semblants dont le cadre des familles riches cache des mobiles bien plus subtiles que l'appât du simple gain d'argent. Honnête à sa façon, ce curieux détective ne lâche pas facilement l'affaire et ne recule devant rien ni personne. Qu'il soit maltraité par des caïds ou des flics, Marlowe arrive toujours à se relever et à voir clair dans le jeu de ses nombreux adversaires.

- Le truand au grand cœur, dis-je. Tu repasseras !

Après une première partie excitante mais qui ne semble mener nulle part, l'action se ralentit pour présenter bon nombre de personnages aux agissements mystérieux et à l'allure toujours bien supérieure à Marlowe. Le roman souffre, je trouve, de ce ralentissement en plein milieu de l'histoire. On se demande où est passé l'intérêt du début, de la première enquête ... Mais c'est avec brio que Chandler réussit à redresser la barre et à rattacher tous les morceaux sans rien laisser au hasard. Le tout est joliment accompagné d'une narration à la première personne permettant au lecteur de suivre l'histoire via les yeux et les pensées du détective au style purement "hard-boiled".

- Ce qui me plaît dans Idle Valley, dis-je, c'est que tout le monde y mène une existence parfaitement normale et sans histoires.

Les quelques longueurs étouffent et alourdissent un peu le roman. Heureusement que l'auteur augmente la tension dans la seconde partie de l'histoire. A noter, une superbe scène en huis clos digne d'une très bonne pièce de théâtre : un lieu, un coup de feu, quatre personnages, tout le monde se suspecte et s'épie ... tous les éléments sont réunis pour faire douter et frémir le spectateur.

Note : 16/20

Dans la colonie pénitentiaire

Dans la colonie pénitentiaire est une nouvelle de Franz Kafka écrite en 1914 et publiée en 1919.

Présentation de l'éditeur :
Dans la colonie pénitentiaire, l'expérimentation se fait en direct. Ici, un homme se transforme en coléoptère monstrueux, là, un engin pervers tue avec application. Là encore, un soldat est le jouet d'une machine infernale.

Un savant, nommé le voyageur, est appelé par le nouveau commandant de la colonie afin de donner son avis sur l'étrange machine inventée par l'ancien commandant. En effet, cet appareil, présenté par un officier grand partisan des théories de son ex commandant, tue lentement sa victime en y inscrivant l'intitulé de son péché dans sa chair. Outre les jugements sur la peine de mort, Kafka critique l'armée en usant de situations absurdes ("chaque fois que sonne l'heure, il a à se lever et à saluer devant la porte du capitaine") et plus spécifiquement sa justice ("Il n'a pas eu l'occasion de se défendre") un peu trop tyrannique.

Celle d'en bas s'appelle le lit, celle d'en haut la traceuse, et là, suspendue au milieu, c'est la herse.

On retrouve parfaitement la 'patte' Kafka dans cette courte nouvelle d'un peu plus de 30 pages puisque le personnage du voyageur évolue dans un monde angoissant et surtout cauchemardesque lorsque la machine commence à s'emballer ... Loin d'être une œuvre indispensable dans la bibliographie de l'auteur, elle n'en reste pas moins une marque de son génie littéraire et fantastique troublé par les différents aspects de la condition humaine.

Note : 16/20

vendredi 24 juillet 2009

La moisson rouge

La moisson rouge est un roman publié en 1929 et écrit par Dashiell Hammett, écrivain considéré comme le fondateur du roman noir.

Présentation de l'éditeur :
Dès son arrivée à Poisonville, le détective de l'agence Continental de San Francisco constate d'abord que le client qui l'a fait appeler vient d'être abattu, ensuite que la ville entière est aux mains d'une bande de gangsters.
Pour assainir le bled, avec l'aide involontaire de Dinah Brand, courtisane locale numéro un, il met au point une méthode infaillible : dresser les truands les uns contre les autres jusqu'à élimination totale.

Souvent considéré comme le tout premier roman noir américain (ou hard-boiled), La moisson rouge révolutionne à l'époque le genre policier en mettant en scène des personnages durs à cuire (traduction du terme hard-boiled) qui troquent leurs révolvers pour des "pétards". Bien que l'écriture de ce roman date du début du siècle dernier, il n'en est pas moins toujours d'actualité. Alcool, magouilles, manipulations, flics véreux et gangs mafieux sont les points de départ de La moisson rouge qui situe donc son histoire à l'époque où le grand Al Capone régnait sur son Chicago.

Je vais m'en servir pour dépiauter Poisonville des chevilles à la pomme d'Adam.

Ce roman de gangster pur et dur est doté d'un personnage central, un détective, peu commode mais terriblement efficace. Cet homme envoyé par une agence de San Francisco n'a d'ailleurs pas de nom ("Mon nom ne lui dirait rien."), on en vient à se demander pour quelle raison l'auteur a fait ce choix ; son nom aurait-il trahi une quelconque origine, ou bien, existe t-il un nom approprié pour un personnage fictif ayant une telle force de caractère ? En arrivant à Personville, le détective comprendra assez vite l'origine de son surnom : Poisonville ; ville où les malfrats se multiplient plus vite qu'ailleurs. Après une première enquête sur le meurtre d'un journaliste anti crime, Donald Willsson (doublement de deux consonnes, comme dans Hammett), notre narrateur et héros décide de nettoyer la ville de tous ses cafards sous l'œil concerné de Elihu Willsson, le père de Donald. Pour cela il va user d'astuces afin de les monter les uns contre les autres. Efficace, peut-être, mais véritablement dangereux !

Poisonville est mûre pour la moisson. C'est un boulot qui me connaît et que j'aime bien.

Dans ce dédale de cruauté aux cloisons formées par la trahison et les faux-semblants, Poisonville porte bien son surnom car elle semble changer les gens ("Je ne me reconnais plus. [...] C'est ce patelin qui me fait cet effet-là."). Avec ses dialogues rythmés et vraiment très bien travaillés, le roman est indubitablement une référence dans le domaine du hard-boiled. Un coup de cœur assuré pour ce coup de flingue littéraire !

Note : 18/20

jeudi 16 juillet 2009

Zulu

Zulu est un roman de Caryl Férey. L'auteur n'en est pas à son premier succès puisqu'il a remporté de nombreux prix avec ses précédents romans (notamment Utu) comme le Prix Sang d'Encre 2005, le Prix Michel Lebrun 2005 et le Prix SNCF du polar 2005.

Présentation de l'éditeur :
Enfant, Ali Neuman a fui le bantoustan du KwaZulu pour échapper aux milices de l'Inkatha, en guerre contre l'ANC, alors clandestin. Même sa mère, seule rescapée de la famille, ne sait pas ce qu'elles lui ont fait... Aujourd'hui chef de la police criminelle de Cape Town, vitrine de l'Afrique du Sud, Neuman doit composer avec deux fléaux majeurs : la violence et le sida, dont le pays, première démocratie d'Afrique, bat tous les records.
Les choses s'enveniment lorsqu'on retrouve la fille d'un ancien champion du monde de rugby cruellement assassinée dans le jardin botanique de Kirstenbosch. Une drogue à la composition inconnue semble être la cause du massacre. Neuman qui, suite à l'agression de sa mère, enquête en parallèle dans les townships, envoie son bras droit, Brian Epkeen, et le jeune Fletcher sur la piste du tueur, sans savoir où ils mettent les pieds... Si l'apartheid a disparu de la scène politique, de vieux ennemis agissent toujours dans l'ombre de la réconciliation nationale...

Véritable roman coup de poing, et ce n'est pas rien de le dire, Zulu n'est pas un texte pour enfant de chœur mais bel et bien un roman noir, vif et brutal. Dans une Afrique Du Sud post-Apartheid et à l'aube d'un évènement mondial (la coupe du monde de football 2010), le gouvernement et la police ont un rôle délicat puisqu'ils doivent préparer la sécurité des futurs supporters et professionnels du ballon rond en s'affichant comme étant un pays sécurisé. Pas facile quand on sait que l'Afrique Du Sud est le pays le plus violent au monde ("comment la première démocratie d'Afrique pouvait être le pays le plus dangereux au monde ?"). C'est sur ce point et à ce moment précis que l'auteur intervient. Il peint une région d'Afrique où les ethnies se mélangent et les doutes subsistent. Finalement, le genre "roman policier" n'est qu'un prétexte pour dénoncer la violence, la pauvreté, le SIDA, le racisme, l'insécurité, la prostitution et les problèmes de drogue qui ravagent l'Afrique Du Sud.

L'Afrique recrachait des tueurs en série comme les rivières des squelettes à la saison sèche.

Ali Neuman est le chef de la police criminelle de Cape Town. D'origine zoulou, il a connu de très près les différents conflits dûs à l'apartheid et a vu son père et son frère mourir. Marqué par ces évènements passés, il est devenu un homme presque insensible et discret, cachant une bête féroce prête à dégainer à la moindre injustice ("Le monstre au fond de lui se réveillait."). Avec l'aide de quelques amis (Fletcher et Epkeen), ils vont enquêter sur le meurtre mystérieux d'une jeune fille. L'enquête devient dangereuse lorsqu'ils s'aperçoivent que le meurtre cache en réalité quelque chose de plus important.

Le Seigneur est muet depuis un certain temps

Caryl Férey utilise un style impeccable pour ce roman aux dialogues tonitruants et mélange avec brio des scènes bouleversantes et des séquences d'actions très cinématographiques. Les descriptions et les éléments de l'enquête s'imbriquent parfaitement. L'auteur atteint avec son ouvrage un taux de violence inouï et parfois insoutenable, et semble demander si la vie en Afrique Du Sud, la cohabitation (entre ethnies), est sans espoir ("Pas de terrain d'entente./Aucun devenir ensemble./ Autant courir après le désert."). Au delà de ce problème, il rajoute une couche afin de montrer que le clivage le plus important se situe entre les riches et les pauvres ... un fléau qui touche au delà des frontières de l'Afrique Du Sud.

Note : 17/20

lundi 13 juillet 2009

Le Montespan

Le Montespan est un roman de Jean Teulé.

Présentation de l'éditeur :
Au temps du Roi-Soleil, avoir sa femme dans le lit du monarque était pour les nobles une source de privilèges inépuisable. Le jour où Louis XIV jeta son dévolu sur Mme de Montespan, chacun, à Versailles, félicita le mari de sa bonne fortune. C'était mal connaître Louis-Henri de Pardaillan, marquis de Montespan… Gascon fiévreux et passionnément amoureux de son épouse, Louis-Henri prit très mal la chose. Dès qu'il eut connaissance de son infortune, il orna son carrosse de cornes gigantesques et entreprit de mener une guerre impitoyable contre l'homme qui profanait une union si parfaite. Refusant les honneurs et les prébendes, indifférent aux menaces répétées, aux procès en tous genres, emprisonnements, ruine ou tentatives d'assassinat, il poursuivit de sa haine l'homme le plus puissant de la planète pour tenter de récupérer sa femme…

Ce roman est à mi chemin entre la fiction et la réalité. L'histoire du marquis de Montespan et de sa femme est réelle, mais, d'après une interview de l'auteur que j'ai visionnée, il s'est permis quelques libertés afin de rendre le récit plus attrayant. Et le pari est totalement réussi. En effet, à la fois riche en informations historiques et en humour, Le Montespan est un véritable petit bijou dont on a du mal à se séparer une fois la lecture terminée.

Belle comme le jour, vrai démon d'esprit !

Le marquis de Montespan, prénommé Louis-Henri, est un noble qui ne cesse de crouler sous les dettes. Mais malgré ce 'détail', il est un homme parfaitement heureux. Heureux car il est amoureux d'une des plus belles femmes de France. Malheureusement, le roi Louis XIV est lui aussi sous le charme et propose d'honorer le marquis en donnant à Françoise de Montespan le titre de 'préférée du roi'. Elle devient donc la maîtresse du souverain pour le plus grand malheur de Louis-Henri qui préfère la présence de sa femme aux milliers d'écus ou aux quelconques titres de noblesse proposés par l'affreux nain et homme le plus puissant du monde. S'engage alors une guerre sans merci entre le royaume tout entier et une petite poignée de personnes proches du cocu : trahison, mensonge, tentative d'assassinat ...

Louis-Henri, être cocu, c'est la chance de votre vie. Ne la ratez pas, elle ne repassera pas.

Jean Teulé prend parti pour le pauvre Louis-Henri (clin d'œil avec le "seigneur de Teulé" qui aide notre héros) et dessine le portrait d'un Roi Soleil très cruel ("Celui-ci fut condamné à vie aux galères pour un vol de mouches à miel. Un garçon pleure - dix ans de rames pour un vol de poireaux chez son voisin."), égoïste et qui ne cesse de dépenser l'argent du royaume pour le plaisir de ses maîtresses, et principalement pour Madame de Montespan qui semble rencontrer au fur et à mesure le syndrome de Marie-Antoinette question dépense. Comme pour Je, François Villon, l'auteur a choisi l'utilisation de chapitres courts et rend le roman très rythmé. De plus, il agrémente son récit d'images, de poésies, de chansons et de morceaux de pièces de théâtre, le roman en devient donc plus instructif et encore plus intéressant. Pour résumé, un excellent moment passé !

Note : 17/20

dimanche 5 juillet 2009

Les particules élémentaires

Les particules élémentaires est un roman de Michel Houellebecq.

Présentation de l'éditeur :
Les particules élémentaires est la chronique du déclin d'une civilisation - la nôtre - qu'illustre l'existence plate et morose de deux demi-frères, Michel et Bruno, confrontés à leur misérable condition. Car tandis que Bruno s'abîme dans une quête désespérée du plaisir sexuel, la vie amoureuse de Michel continue d'être un pitoyable désastre. Ni résigné, ni satisfait, ce dernier, chercheur en biologie, reste persuadé que ses travaux seront déterminants pour l'avènement d'une nouvelle espèce, asexuée et immortelle, et la disparition - enfin ! - de l'humanité.

Avec Les particules élémentaires, Houellebecq s'approche au maximum de la parfaite définition qu'il a de la société actuelle. Le mal de vivre, d'être, est au final le thème principal de ce roman au style très provocateur. En effet, les descriptions crues et chocs des relations sexuelles font tanguer le genre du roman vers la littérature érotique voire pornographique. Mais au-delà de cette simple caractéristique de l'ouvrage, on peut y décerner une sorte de philosophie contemporaine ou, en creusant plus profondément, une phénoménologie nihiliste. Outre le fait que l'Homme soit dénué de toute valeur ou de tout but, l'auteur semble exposer son vécu pour en faire un point de départ pour l'histoire. Les difficultés des rapports avec sa mère qu'on lui connaît prennent dans ce roman tout leur sens. Alors, fiction ? Réalité ? Ou un peu des deux ... ?

Adolescent, Michel croyait que la souffrance donnait à l'homme une dignité supplémentaire.

L'auteur prend son temps et explique avec précision comment deux hommes ont raté leur vie. Michel et Bruno, demi frères partageant la même mère absente, sont disséqués de leur jeunesse jusqu'à leur vie d'adulte. Michel est un homme triste qui ne paraît aimer rien ni personne. Bruno essaie de profiter un maximum de la vie pour découvrir l'apothéose de la sexualité. Entre fantasmes et désenchantements, Houellebecq glisse quelques commentaires lui permettant d'analyser les maux de la société actuelle ; nous dépendons de cette société, nous sommes esclaves de ce mode de vie. Certains problèmes, et ce n'est pas nouveau, sont dûs à l'éducation, l'importance qu'ont les parents sur leurs enfants, mais aussi à la société et ses multiples divisions.

Totalement dépendant de la société qui m'entoure, je lui suis pour ma part à peu près inutile

Malgré tout ces points positifs, on se lasse tout de même à la longue de ce réalisme et de cette vulgarité omniprésente. L'histoire, bien qu'elle soit finalement très touchante et émouvante, est un peu creuse. Je suis d'ailleurs curieux de voir le film qu'en a tiré Oskar Roehler. Mais cette œuvre, au delà d'exister uniquement en tant que simple fiction, semble avoir une importance sur l'avenir du corps social. Alors, chef d'œuvre visionnaire ou simple arnaque provocatrice ?

Notre malheur n'atteint son plus haut point que lorsque a été envisagée, suffisamment proche, la possibilité pratique du bonheur.

Note : 16/20