Dernier roman en date de Marin Ledun, Les visages écrasés a été primé en remportant le Trophée 813 de 2011.
Présentation de l'éditeur :
« Fascinée, je contemple de nouveau le semi-automatique. L’idée me traverse l’esprit de le retourner contre moi mais, encore une fois, Vincent n’est le problème. Il le sait, je le sais. Le problème, ce sont ces fichues règles de travail qui changent toutes les semaines. La tension permanente suscitée par l’affichage des résultats de chaque salarié, les coups d’œil en biais, les suspicions, le doute permanent. La valse silencieuse des responsables d’équipes, toujours plus jeunes et plus inflexibles. L’infantilisation, les sucettes comme récompense, les avertissements comme punition, les objectifs inatteignables. Les larmes qui coulent pendant des heures, une fois seul, mêlées à une colère froide qui rend insensible à tout le reste. Les injonctions paradoxales, la folie des chiffres, les caméras de surveillance, la double écoute, le flicage, la confiance perdue. La peur et l’absence de mots pour la dire. Le problème, c’est l’organisation du travail et ses extensions. Personne ne le sait mieux que moi. Vincent Fournier, 13 mars 2009, mort par balle après ingestion de sécobarbital, m’a tout raconté. C’est mon métier, je suis médecin du travail. Écouter, ausculter, vacciner, notifier, produire des statistiques. Mais aussi : soulager, rassurer. Et soigner. Avec le traitement adéquat. »
Un roman noir à offrir de toute urgence à votre DRH.
On a à peu près tous été confronté à des pressions plus ou moins fortes dans notre métier. Là, Marin pose son décor dans une société de téléconseillers. Un centre d'appel qui produit de bons résultats ... mais dans lequel les salariés en payent le prix fort. Pression, mobilité forcée ... des termes qui, placés les uns derrière les autres, amène parfois un homme à se suicider. Et c'est là l'idée de base du récit.
Roman social, Les visages écrasés est un texte tout à fait dans la logique des anciens écrits de l'auteur, surtout après son essai Pendant qu'ils comptent les morts dénonçant certaines pratiques inhumaines des managers. Roman effroyable donc qui rappelle une certaine affaire plutôt récente en France ...
Je hurle en même temps sa souffrance, sa vie d'homme et le système qui y a mis fin.
Marin donne le ton dès le début de son roman. Les visages écrasés est un roman vraiment très noir dans lequel chaque millimètre du décor s'assombrit au fil des pages. Les termes sont durs ("Un salarié est un malade comme un autre.") et l'atmosphère dégage quelque chose de profond qui m'a totalement conquis.
Dans la noirceur du monde du travail, Marin donne vie à un personnage touchant dont on suit la lente et douloureuse descente aux enfers. Une femme qui se retrouve seule contre tous. Seule à pouvoir sauver ces employés dépressifs, seule sûrement à le vouloir... Le travail autour de ce personnage est assez incroyable tant j'avais l'impression de vivre tous ses faits et gestes. Carole Matthieu est loin d'être une héroïne parfaite, elle a des doutes et prend des décisions dont on ne se remet pas.
Motif : idées noires, idéations suicidaires, fragilité émotionnelle, possibilité de passage à l'acte.
Le style narratif est excellent bien que l'auteur use un peu trop des listes pour décrire une situation ou un état d'âme. Certains chapitres sous forme épistolaire coupent efficacement le récit pour rendre un peu plus réelle l'histoire.
La documentation est très riche, les rapports d'expertise sont précis, la politique d'entreprise est superbement retranscrite. Autant d'atouts qui font de ce roman un véritable petit bijou littéraire. Un roman fascinant !
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