Présentation de l'éditeur :
Qui, parmi vous, mérite la vie éternelle ?
Ce roman confirme une certaine évolution ressentie dans l'œuvre complète, à ce jour, de son auteur. Les romans de Michel Houellebecq se suivent tous finalement et s'inscrivent dans une même logique qui nous conduit vers un but commun : l'anéantissement de l'Homme par l'Homme et la complaisance individuelle représentée ici par l'immortalité des néo-humains. Le personnage principal (Daniel) participe enfin à ce grand moment et contribue à l'aboutissement de ce projet tant attendu par les adeptes de la secte Elohimite. Projet qui ne va finalement que dénaturer l'être humain (par exemple avec son prénom qui s'incrémente : Daniel24, Daniel25 ...) et le rendre inapte à toute procréation naturelle (inutilité, impossibilité et désintéressement de tout rapport sexuel dans le futur). Le récit est original puisqu'il est composé des commentaires de Daniel24 et de Daniel25 au sujet du déclin de notre civilisation actuelle par le biais de l'autobiographie de l'être original : Daniel (appelé également Daniel1). En effet, la vie d'aujourd'hui est analysée, ressentie, décortiquée et critiquée par les successeurs (clones en réalité) de Daniel. Avec cette fiction, Houellebecq invente une nouvelle forme d'immortalité dans la littérature : le clonage à répétition des mêmes sujets. Comme à son habitude, l'auteur semble offrir à son lecteur certains éléments qui pourraient être autobiographiques. On retrouve un homme assagit qui reconnait ses torts et ses faiblesses et qui se penche avec sérieux sur le résumé de sa vie ("J'avais probablement accordé trop d'importance à la sexualité, c'était indiscutable").
Nous étions nous-mêmes des êtres incomplets, des êtres de transition, dont la destinée était de préparer l'avènement d'un futur numérique.
Autant Houellebecq maîtrise à merveille la forme de son roman, autant j'ai parfois quelques difficultés avec le fond qu'il lui offre (la place de la femme dans ses romans par exemple). Notamment avec l'encensement ici de la secte Elohimite alias la secte de Raël (Elohimite est d'ailleurs le nom donné aux extra-terrestres par les raëliens). Cette organisation sectaire basée sur une idée farfelue a quand même fait l'objet de plusieurs accusations de pédophilie. Attendons 2035 pour vérifier si Raël avait vu juste avec l'arrivée des extra-terrestres sur Terre ... en attendant il continue à amasser l'argent de ses 'disciples' et à les inciter à la pornographie pour assouvir ses propres fantasmes. Dans le roman, Daniel est aux élohimites ce qu'est Tom Cruise pour la Scientologie ; un VIP qui permet à la secte d'évoluer, se faire connaître. Mais contrairement à l'acteur, Daniel, qui est un célèbre humoriste, ne joue pas les pantins. Il se situe plutôt comme un spectateur conscient des tricheries et des manipulations qui y règnent. Il ne semble pas croire non plus aux fondements de la secte et mentionne en plus que le prophète est le seul à jouir pleinement de leurs doctrines sexuelles ("son objectif était [...] de castrer ses auditeurs"). Par contre, il restera tout de même un fidèle partisan. Jusqu'à la fin des temps ?
ils veulent des enfants,et des enfants semblables à eux, afin de creuser leur propre tombe et perpétuer les conditions du malheur
L'auteur flirte avec la science fiction, qui ne lui sert finalement que de décor, pour décrire le drame inévitable qu'est l'anéantissement de l'être humain et de son environnement comme on les connait aujourd'hui. Nullement écologiste, son discours laisse surtout à réfléchir sur le comportement affectif et social de l'Homme. Au final, La possibilité d'une île peut être considéré comme un roman d'anticipation post-apocalyptique, il n'en est pas moins un roman réaliste sur certains points. Aussi, certains passages (autobiographiques ?) laissent prétendre à une crise de la quarantaine chez l'auteur qui établit l'inventaire de sa vie et se sent condamné, à présent, à rester dans la tranche d'âge des 'vieux'. On apprend son amour presque démesuré pour les animaux et surtout les chiens ("Il m'arrive de déverrouiller la barrière pour porter secours à [...] un chien errant ; jamais pour porter secours à un homme" ou "Un mois de vacances avec mon chien [...] Vivre."), mais aussi, comme à son habitude, il n'y va pas de main morte avec les écrivains, artistes ou célébrités qu'il n'apprécie pas ("Fogiel [...] s'est mis à péter de trouille ; il faut dire que ça faisait longtemps que j'avais envie de récurer cette petite merde"). Il semble également reconnaître ses erreurs et paraît même s'excuser pour certaines fautes ou incompréhensions passées ; par exemple, il avoue, à travers son personnage, que sa prétendue islamophobie dont on l'a accusé n'était en fait qu'un coup de marketing (fiction ou réalité ?). J'ai remarqué une chose peu habituelle chez l'auteur, plus les pages défilaient, plus le discours devenait sensible et touchant. Les quelques vers qui peuplent le roman lui donnent une dimension presque romantique. Étrange sensation pour un récit de Houellebecq.
[...]
Entré en dépendance entière,
Je sais le tremblement de l'être
L'hésitation à disparaître,
Le soleil qui frappe en lisière
Et l'amour, où tout est facile,
Où tout est donné dans l'instant ;
Il existe au milieu du temps
La possibilité d'une île.
Michel Houellebecq
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