jeudi 26 août 2010

L'éternité n'est pas si longue


Fanny Chiarello est une jeune auteure française et n’en est pas à son premier coup d’essai. Après avoir effectué un détour vers la poésie et les nouvelles, elle revient cette année au roman avec un style bien emprunté au lyrisme.

Présentation de l'éditeur :
« Si l’on m’avait dit un jour que la variole viendrait décimer notre espèce, j’aurais certes frémi, mais j’aurais aussi imaginé tout ce qu’un tel événement pouvait apporter à nos sociétés malades, et je me serais trompée : la variole ne nous a pas changés. Il ne se passe rien – des gens meurent par centaines de milliers, mais mourir ce n’est pas quelque chose, au contraire : c’est encore plus de rien. Aucune fraternité, aucun miracle n’est à observer nulle part. Aucune révélation ne soulève jamais aucun de mes semblables et nous sombrons tous dans la médiocrité, dans l’indignité, sans avoir rien abdiqué de nos considérations ineptes, de nos susceptibilités ridicules ni de nos habitudes sans relief. Si je veux dormir dans un monde si décevant, je n’ai d’autre choix que de me raconter des histoires comme si j’étais mon propre enfant. »
L’éternité n’est pas si longue ne raconte pas la fin de l’espèce humaine mais celle d’un de ses plus originaux spécimens, Nora, une jeune femme à l’humour fulgurant et au fort penchant mélancolique. Elle qui, après avoir miraculeusement échappé à la mort, reprochait à ses proches amis de ne pas vivre comme s’ils allaient mourir un jour doit soudain réinventer son existence.

L’éternité n’est pas si longue est un récit à la première personne et la première idée qui nous vient donc à l’esprit est la présence d’un côté autobiographique. Nora est une trentenaire qui partage son temps entre son trio d’amis et sa petite amie Pauline. Mais lorsque celle-ci décide de rompre leur liaison, Nora sent que son petit monde à elle s’écroule. Par le biais de diverses manifestations décrites par l’auteure exposant un couple homosexuel posé, à l’aise et fondu dans le décor, celle-ci décide d’ancrer entièrement l’homosexualité dans les mœurs de la société (enfin !).

Fanny Chiarello allie un vocabulaire riche avec un style fluide usant souvent de longues phrases rythmées par de nombreuses et courtes pauses. Le lecteur peut facilement se retrouver dans le roman. L’auteure a une faculté assez troublante d’exposer ses pensées comme si elles nous appartenaient ; comme si le lecteur était à sa place ; comme si le lecteur y avait déjà pensé auparavant. L’humour est également au rendez-vous et le cynisme dont elle fait preuve cache en fait de véritables problématiques sur la vie et, bien sûr, sur la mort. Derrière les quelques instants de sarcasme et de raillerie se dissimulent les angoisses de la jeune Nora.

Avec son titre, l’auteure exprime la volonté d’user de pessimisme et nous offre même, le temps de quelques pages, la présence d’un personnage houellebecquien. En effet, le professeur Richard Walter est une sorte de philosophe de bas étage et dont l’état d’esprit semble proche de celui d’un gourou de secte. Cet homme va marquer le commencement, dans l’histoire, de la fin du monde. Mais il va également être le déclencheur des premières grosses tensions entre les deux jeunes femmes. Mais contrairement aux personnages principaux des romans de Houellebecq qui semblent œuvrer pour la fin du monde, Nora, elle, en a peur et s’isole de plus en plus. Alors que la variole surgit de nulle part et s’accroît de jour en jour, la relation entre Nora et Pauline s’affaiblit. A croire que la maladie qui a décidé de décimer la race humaine est la représentation du cœur brisé ou de l’espoir perdu pour la jeune femme.

Alors que les morts affluent, Nora se renferme un peu plus chaque jour dans son monde imaginaire et se protège à sa façon de la peur du virus et des désillusions amoureuses. Ses meilleurs amis ont beau être présents pour elle, elle se réfugie dans ses histoires qu’elle rédige dans un cahier. Ce journal intime finit par donner l’impression d’un ultime témoignage de ce qu’a été l’être humain. Et quelles sont justement les conclusions de l’auteure ? Elle paraît vouloir dire que l’Homme perd son temps à de nombreux moments, que les gens qui nous aiment sont toujours près de nous et qu’il faut savoir en profiter à chaque instant car ce qui paraît être une éternité a malheureusement toujours une fin. Carpe diem.

Sous son aspect romancier, le récit révèle de nombreuses références à la vie réelle. Et si la grippe H1N1 s’était elle aussi propagée de façon exponentielle ? Comment aurions-nous réagit face à un tel fléau ? En attendant qu’une telle menace arrive, ne manquez pas de lire L’éternité n’est pas si longue.

« Le jour où la variole a frappé, je savais que l’humanité serait trop orgueilleuse pour y survivre. »

Ce livre a été chroniqué dans le cadre d’un partenariat avec Chroniquesdelarentreelitteraire.com et Ulike.

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